Archives départementales, Patrimoine

Petites histoires d'archives #8_Muraille de Carcassonne

16C6-1 © AD AUDE

La ville basse de Carcassonne fut prise par le Prince Noir, Edouard de Woodstock prince de Galles, au cours de la guerre de Cent Ans, en 1355. Pillée et incendiée, la bastide dut être reconstruite. Lors de cette seconde naissance, ce fut cette fois une véritable muraille, flanquée de petites tours rondes, qui entourait l’ensemble du nouveau bourg, dont la surface avait en outre été nettement réduite. Mais cette muraille devait être constamment entretenue et au début du XVIIe siècle, il y avait fort à faire pour la réparer !

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Un texte du 3 octobre 1609 « Devis des reparations qu’il convient fe(re) aux murailhes de la ville basse de Car(casson)ne faict et dressé par nous Jean Bonefous, ingenieur du roy, assisté de m(aîtr)e Pierre Boriac, contrerolleur des repara(ti)ons et fortiffica(ti)ons du pays de Lang(ued)oc, Pierre Teissier, clerc des œuvres et repara(ti)ons roialles en la sén(échauss)ée dud(it) Car(casson)ne et Beziers et d’Anth(oin)e Malves et Jehan Algan m(aîtr)es macon et charpentier du roy en lad(ite) sén(échauss)ée» nous apprend toutes les réparations ou modifications qui doivent être entreprises sur la muraille de la ville.


Premièrement, « est besoing oster la tour carree quy est entre le bastillon de Montmorancy et la porte des Cordelliers afin de donner jour au flancq dud(it) bastillon et sera rebasty l’ouverture de lad(ite) tour. […] sera faict ung cordon sur le massif de la muralhe po(ur) sur icell(uy) eslever ung parapet d’une toize d’haulte(ur)et ung pied d’espesseur tout le long duquel parapet sera faict des harquebuzieres distantes d’une toize l’une de l’aultre, evazees par devant, ayant ch(ac)une ung pied et demy d’haulte(ur) et trois poulces de largeur par dehors et deux piedz par dedans, comme aussy seront faictes trois fenestres carrees d’un pied et demy pour veoir dans le fossé ».
Il est également question de continuer la nouvelle muraille qui a été commencée entre la porte des Cordeliers et les prisons, d’une distance de 25 toises (soit 45 m) environ, de la même épaisseur et hauteur que le reste de la muraille. La vieille muraille devra être débâtie et les pierres pourront être réemployées.


Plusieurs tours doivent être démolies à cette occasion : « Plus sera osté la tour ronde prosche du flancq du bastion de la Figuière du cousté de midy et de la pierre de lad(ite) tour en fermer l’ouverture d’icelle d’une muraille d’espesse(ur) et haulte(ur) de l’antiene […] Plus fault oster au(tr)e tour ronde quy est entre les flancqz du bastion de la Figuière et la porte des Carmes et fermer l’ouverture comme dessus. Plus fault oster au(tr)e tour ronde quy est entre les bastions S(ain)t Martial et du revellin et fermer l’ouverture d’icelle ». La pierre résultant de la destruction de ces tours doit alors servir à rehausser à plusieurs endroits la courtine et les deux tours de la porte de Toulouse. S’il manque encore des pierres, le devis précise qu’elles doivent être fournies par le ou les entrepreneurs.


Les consuls de Carcassonne et le contrôleur des réparations viendront d’abord examiner les fondations, afin de déterminer si elles sont bien capables de supporter la nouvelle muraille. Enfin, le texte stipule que les entrepreneurs doivent fournir les matières premières, c’est-à-dire « toute la pierre tant taillé que brute, chaux, sable, fer […] et toutes au(tr)es chozes necessaires pour rendre parfaictes lesd(ites) repara(ti)ons. Et pour ce fe(re) leur sera baillé par avance la somme de dix huit cens livres ». Ils seront ensuite payés pour le travail effectué.

 

L’entretien des fortifications de la ville basse restera une préoccupation constante des consuls carcassonnais durant tout le XVIIe siècle. En revanche, au Siècle des Lumières, diverses considérations hygiénistes et une nouvelle vision de l’urbanisme plaideront pour l’abandon des vieux remparts. Une partie de ceux-ci, le côté sud, sera détruite dès 1764. Les fossés seront alors comblés et on réalisera des plantations d’ormeaux afin d’aménager une promenade. Quant aux vieilles portes médiévales, elles seront désormais jugées inutiles et malcommodes et on entendra les remplacer par des ouvertures monumentales, sur le modèle de Montpellier ou de Paris. Dans le cadre de ce programme, seul le portail des Jacobins sera alors réalisé à partir de 1779. D’autres morceaux des anciennes défenses du bourg disparaîtront encore dans la première moitié du XIXe siècle, vaste entreprise de démolition qui n’épargnera que quelques vestiges, toujours visibles aujourd’hui.