Dans la Bib' à Léon #6 Almanach ! Almanach, qui n’a pas son bel almanach ?

Vignette - Page de titre de L'Almanach curieux, utile et récréatif © AD11

De La Lauseto almanac dal patrioto lengodoucian mitat francès, mitat lengo d'oc, per l'an 1877, à l’Almanach des troubadours de 1809 en passant par l’Almanach des dieux très intéressant pour l'année bissextile 1812, contenant les jours et mois, le grand potager, plusieurs anecdotes amusantes..., la bibliothèque de Léon Nelli compte une trentaine de références d’almanachs différents dont une partie de la collection de l’Almanach curieux, utile et récréatif imprimé chez Pierre Polère, imprimeur et éditeur à Carcassonne… 

 

Cette chronique vous est présentée dans le cadre de la série Dans la Bib' à Léon .

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Pas un… mais des almanachs

L’almanach apparait en Europe dès la fin du XVe siècle. Popularisé par les colporteurs, il pénètre les foyers les plus modestes. Publié chaque année, son contenu ne varie guère. Il est conçu pour être un ouvrage délivrant des informations considérées comme utiles par les éditeurs, pour la vie quotidienne des lecteurs, sur des thèmes aussi divers que la santé, la faune, la flore, l’agriculture, la météorologie, les événements historiques, les schémas de calcul et des tableaux de conversion, le comportement ou la moralité… 
Si la rubrique des différents almanachs reste la même : les foires et marchés, les dates des fêtes religieuses, le calendrier avec les jours, les saints et les signes astrologiques, des anecdotes, conseils, contes ou autres proverbes ; le ton et les informations publiées diffèrent selon le lectorat. L’almanach populaire traditionnel vise à établir une relation étroite entre éditeur et lecteurs d’une même « communauté » territoriale, sociale, culturelle ou linguistique. Ainsi dans la bibliothèque de Léon Nelli, on trouvera, en plus des titres cités en en-tête de cette page, des documents aussi divers que : l’Almanac narbounes publié à partir de 1913 par La Cigalo, l’école fondée en 1911 par le félibre Paul Albarel (les exemplaires conservés à la Médiathèque du Grand Narbonne sont numérisés et accessibles en ligne sur le portail Occitanica), l’Almanach du sonnet ou encore Le Calendrier utile aux gens d'affaires visant une cible particulière, au même titre que les journaux et gazettes auxquels ils sont apparentés.
 

L’Almanach curieux utile et récréatif…

Ainsi, les almanachs destinés  aux citadins diffèrent de ceux rédigés à l’attention des « campagnards ». L’Almanach curieux utile et récréatif carcassonnais est conçu à l’image de l’Almanach Royal et s’articule notamment  autour de rubriques consacrées aux noms des magistrats, aux lois et réglementations, aux poids et mesures, aux foires, aux horaires de la poste, etc. Toutefois, il ne s’adresse pas tout à fait aux seuls habitants des villes, Carcassonne étant le chef-lieu d’un département agricole, on trouve par exemple dans l’édition de 1826 la recette pour «préserver le blé de la carie, vulgairement appelée Carbounat», ou encore la recette d’une boisson élaborée à base de groseilles, de cassis, de cerises, de miel et d’eau de vie, censée donner force et énergie aux moissonneurs dans celle de 1885.
Pendant la majeure partie du XIXe siècle, l’almanach apparaît comme un instrument d’éducation populaire où sont vulgarisées des connaissances littéraires et scientifiques. L’Almanach curieux… ne fait pas exception ! L’édition de 1808 consacre deux pages aux « usages des différentes nations » dans lesquelles le lecteur de l’époque découvre que les siamois auraient eu pour habitude de « terminer leurs différents de manière étrange : les deux parties avalent des pilules purgatives, et celle qui les garde les plus longtemps dans l’estomac sans les rendre gagne son procès » (!?). 
Les anecdotes, bons mots et contes font figure d’incursion dans la littérature. L’édition de 1848 rapporte la petite histoire suivante : «un bourgeois étant à sa maison de campagne, se promenait dans son jardin pendant l’ardeur du soleil, son jardinier s’était endormi sous un arbre. Le maître, en l’éveillant, lui dit en colère : - tu dors, coquin au lieu de travailler ! Tu n’es pas digne du soleil qui t’éclaire !  - Voilà pourquoi, Monsieur, lui répond-il en se frottant les yeux, je me suis mis à l’ombre !»
 

… Et superstitieux !

Parmi les différentes « ressources » proposées par les almanachs, la rubrique des prédictions étaient parmi les plus attendues des lecteurs et, malgré la campagne menée par les hommes politiques de la Révolution pour que les « almanachs ne contiennent que des vérités », on trouve toujours au XIXe siècle dans « notre » Almanach carcassonnais, les prédictions de Nostradamus qui, pour l’année 1856 annoncent notamment un « hiver peu froid et supportable pour les pauvres », « la paix entre tous les princes de la chrétienté et la naissance d’un prince cher à la patrie »…

Enfin, parmi toutes ces éditions de l’Almanach curieux que possédait Léon Nelli, il est difficile de ne pas évoquer la très fragile édition des années 1800 et 1801 « pour l’an neuf républicain » (toute la collection est de facture rudimentaire à l’image des ouvrages de la bibliothèque bleue imprimée sur des petits carnets, recouverts d'une couverture de papier couleur bleu-gris). Cette édition propose en vis-à-vis les noms des jours et mois du calendrier grégorien et ceux du calendrier républicain, œuvre du carcassonnais Fabre d’Eglantine… mais ceci est (encore) une autre histoire.