Le fonds de plaques photographiques, conservé dans la sous-série 5 Fi documente ainsi le rôle du train dans les révoltes vigneronnes de 1907. Des trains spéciaux, à tarif réduit ou gratuits, ont alors transporté les manifestants de meeting en meeting, tandis que les slogans recouvraient les fenêtres des wagons. A Carcassonne, on voit ainsi les différentes délégations villageoises arriver à la gare des Tramways, munies de leurs pancartes et de drapeaux tricolores, avant de passer sous l’arc de triomphe érigé en leur honneur et portant l’inscription : « Salut à nos frères de misère ». Tels les taxis de la Marne, c'est ainsi aux trains des Corbières et du Minervois que l'on doit l'ampleur des foules considérables rassemblées dans les grandes manifestations de Lézignan, Narbonne, Béziers ou Montpellier.
Sept ans plus tard, ce sont les soldats du Premier conflit mondial qui constituent désormais le gros des voyageurs dans un système ferroviaire désormais entièrement voué au service de l’effort de guerre. Le train s’avère en effet totalement indispensable pour amener les troupes, l’armement et le matériel le plus rapidement possible sur la ligne de front. C’est donc par les lignes principales et secondaires que les Poilus audois rejoignent leur régiment puis partent vers les régions de l’Est. De plus, l’Aude est aussi bien souvent un lieu de transit pour les troupes coloniales, débarquées à Marseille ou à Bordeaux. A Carcassonne, en octobre 1914, la gare accueille ainsi un convoi de l’Armée des Indes. Officiers anglais et hindous, canons et caissons d’artillerie stationnent donc un temps sur les quais, pour la plus grande joie des curieux venus admirer les soldats sikhs aux superbes turbans colorés. Un autre jour, ce sont des spahis, des goumiers et autres tirailleurs sénégalais qui prennent la pause afin d’être immortalisés par la photographie.
La Grande Guerre et ses conséquences pèsent d’ailleurs lourdement sur le personnel des compagnies ferroviaires. Ceux qui ne sont pas mobilisés pour le front sont systématiquement réquisitionnés à l’arrière pour assurer la continuité des communications. Le conflit mobilise ainsi plus de la moitié des effectifs de la Compagnie des Tramways de l’Aude. En 1915, 157 agents sont mobilisés et 11 ont déjà été tués. Le service est donc alors considérablement réduit, avec un seul Aller/Retour par jour, quelle que soit la ligne.