Dans la bib' à Léon #12 Claude-Joseph Trouvé : Préfet et baron d'Empire

Portrait de Claude-Joseph Trouvé (1768-1860)
Portrait de Claude-Joseph Trouvé (1768-1860), préfet de l’Aude, huile sur toile de Roques fils, Musée des Beaux-Arts de Carcassonne (inv. n° 891.23.187) © AD11_1Dv3/1-2

Troisième préfet de l’Aude, Claude-Joseph Trouvé a administré le département pendant 13 ans, de 1803 à 1816. Entre ses engagements, pour puis contre la Révolution, l’Empereur et le Roi, sa ligne politique paraît rétrospectivement… aléatoire. Il laisse cependant derrière lui une Description générale et statistique du département de l'Aude, véritable somme donnant une vue très détaillée du département au début du XIXe siècle.

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De la Révolution…

Né dans une famille peu argentée, mais parce qu’il est un élève brillant, Claude-Joseph Trouvé peut poursuivre des études et devient clerc de notaire. Il « monte » à Paris au moment de la Révolution, où il embrasse une carrière de journaliste. En 1794, rédacteur en chef du Moniteur Universel, il écrit des articles à caractère administratif qui, peu à peu, montrent son hostilité aux partis extrémistes. Il s’essaye aussi à la littérature et au théâtre. Il écrit ainsi des poèmes (publiés dans… le Moniteur Universel ou dans l’Almanach des Muses) et une pièce Pausanias qui, sous couvert de tragédie grecque, relate les évènements du 9 Thermidor ayant provoqués la chute de Robespierre. Il y exprime dans sa préface son admiration pour Napoléon Bonaparte, qui le fera baron d’Empire en 1809.
 

... Aux Cent Jours

Ensuite, il poursuit une carrière diplomatique en dents de scie, puis devient préfet de l’Aude en 1803 et le demeure pendant plus de 13 ans. Cette longévité est remarquable car l’administration centrale s’efforce de faire « bouger » les préfets pour qu’ils ne deviennent pas « les rois dans leur département ». Toujours en poste au moment de la Restauration, il s’empresse de prêter serment… au Roi. Pour preuve de sa bonne foi, il met en exergue son attitude au moment du retour de « L’Usurpateur », auquel il refusa de se soumettre et contre lequel il a exhorté ses concitoyens à résister. Il évoque « ses faits d’armes » dans son Récit des événemens qui se sont passés à Carcassonne au commencement du mois d'avril 1815j’avois, dès le premier moment, envisagé toutes les conséquences de cette vaste et infame conspiration, et revenois avec la résolution d’être fidèle au Roi, à la vie à la mort […] Je ne connois point d’empereur, je suis préfet du Roi de France, je n’ai d’ordre à recevoir que de S.M…

Démis de ses fonctions pendant les Cents Jours, car il refuse de reconnaître l’Empereur, il devient alors rédacteur en chef du journal ultra royaliste Le Conservateur. Il réintègre son poste en 1816, heureux d’être renvoyé dans un département que j’avois quitté avec tant d’amertume au bout de 12 ans, j’y suis revenu pour éprouver un nouveau bonheur, celui de jouir de l’accueil le plus flatteur de la part de mes administrés […] 


Mais, à son retour, Claude-Joseph Trouvé était semble-t-il devenu « plus royaliste que le roi », à tel point qu’il fut remplacé dans sa préfecture en 1816 par le gouvernement qu’il avait ardemment défendu.
 

Un préfet pédagogue…

Ainsi, préfet de l’Aude à partir du 3 messidor an XI, démissionnaire le 5 avril 1815, renvoyé à son poste le 9 juillet 1815 puis remplacé le 26 septembre 1816, Claude-Joseph Trouvé a succédé à Barante et a poursuivi son action. Ce dernier déplorait la mauvaise qualité de l’enseignement et le déficit d’établissements dans le département. Prenant au pied de la lettre cette réflexion, Trouvé restaure un concours général entre les élèves de toutes les écoles secondaires dès l’année qui suit son arrivée. Dans un de ses écrits, Joseph Poux l’a d’ailleurs surnommé « Le préfet pédagogue », tout en notant que cette initiative visant à l’émulation n’avait conduit qu’à une compétition « malveillante » entre professeurs et entre élèves.
 

Soucieux du détail !

Sur un autre registre, Claude-Joseph Trouvé met en chantier sa future Description générale et statistique du Département de l’Aude, rédigée à partir des observations faites à la suite d’un recensement agricole et démographique détaillé et d’enquêtes sur l’industrie et sur l’école qu’il avait diligentées en 1807. Beaucoup plus dense que celui du préfet Barante, car il repose sur une longue réflexion, ce travail s’articule en deux volumes :

  • Essai historique sur les états-généraux de la province de Languedoc, avec cartes et gravures.

Dans ce premier volume, Trouvé retrace dans une première partie l’histoire de l’organisation politique du Languedoc, de l’Assemblée de la Gaule Narbonnaise jusqu’à la Révolution. La deuxième partie fait état de l’administration de la province, des recettes et des dépenses générées, de l’état des aménagements créés et des pistes de développement. 

  • Description générale et statistique du département de l'Aude

Dans ce second opus, exclusivement consacré au département, le baron Trouvé rectifie en préambule quelques erreurs et omissions et surtout « ne dissimule pas que les détails auxquels j’ai dû me livrer pourront paraître minutieux à quelques personnes, indifférents à un plus grand nombre : l’exactitude est souvent fastidieuse ; elle est pourtant indispensable en ces matières ».
En effet, l’ouvrage, considérablement détaillé et illustré par des gravures d’Ambroise Tardieu, est organisé en six livres, eux-mêmes organisés en chapitres. Le préfet y décrit la « topographie de la nature du sol aux eaux minérales, l’histoire naturelle et météorologie », de la description du règne animal à la Trombe de Leuc ; « la géographie administrative et historique par arrondissement » avec un détour par les routes, ponts et chemins ; la population, de la taille des hommes à la description des hospices, l’agriculture, aux cultures diverses, et clôture avec les contributions ; enfin, l’industrie et le commerce, de la teinture au commerce des blés.
Il publie l’ouvrage en 1818, alors qu’il a été relevé de ses fonctions. Comme pour les écrits de Barante, cette somme est d’abord rédigée en réponse à la politique du gouvernement qui, par ses enquêtes nationales, souhaite obtenir une vision précise des réalités économiques du pays. Difficile donc de ne pas imaginer que le Baron Trouvé se sert de sa conclusion pour faire part encore une fois de sa loyauté et de son désir de servir le régime en place :
« Le département de l’Aude trouve la plupart de ses ressources en lui-même, la balance commerciale est tout à son avantage. Enfin aucun département ne mérite plus que lui la protection et la bienveillance du gouvernement, comme aucun n’est plus soumis aux lois, plus attaché à l’Etat, plus dévoués à la personne des souverains. »
Relevé de son poste par la Seconde Restauration, il est réinvesti dans des fonctions ministérielles en 1829, comme maître des requêtes, puis chef de division au ministère de l’Intérieur en 1830, avant d’être renvoyé « dans l’anonymat » par la Révolution de Juillet.

Bibliographie

  • Essai historique sur les états-généraux de la province de Languedoc, avec cartes et gravures. Par le B. Trouvé, ancien préfet du département de l'Aude... .- 1 vol. (XIX-584 p., [5] f. de pl. dépl.) : ill., plans, carte ; in-4. C°16/1
  • Description générale et statistique du département de l'Aude, avec carte et gravures. Tome second. Paris, F. Didot 1818. In-4°, 679 p. (broché). C°16/2
  • Les préfets du 11 ventôse an VIII au 4 septembre 1870 : répertoires nominatif et territorial. éd. Archives nationales. - Paris : Archives nationales, 1981. - 423 p. D°2024
  • Récit des événemens qui se sont passés à Carcassonne au commencement du mois d'avril 1815 / Trouvé (baron Claude-Joseph). - Carcassonne, s. n. In-8°, 12 p. 1815. N° 1559/143
  • Caucanas (Sylvie) : « Un préfet ami des Lettres, le baron Trouvé ». Dans : Deux siècles d'histoire préfectorale dans l'Aude : 1800-2000, 2000, p. 30-40. D°2810.
  • Poux (Joseph) : Un préfet pédagogue dans l’Aude 1805-1807.- Carcassonne : imp. A. Gabelle. -  1 vol. [brochure], 20 p. Q°484
  • Le Moniteur universel. Sous la cote 3 J 1246, numéros d’octobre et novembre 1789 2 K, numéros de 1790 à 1868. Consultables en ligne sur le site Gallica 

Iconographie disponible aux Archives départementales

  • 1 Fi 1070    Port-la-Nouvelle. Plan de la digue et du môle (et profil) approuvé par l'ingénieur en chef de l'Aude Georges et le baron Trouvé, préfet, les 10 et 14 mars 1811.
  • 1 Fi 1071    Port-la-Nouvelle. Plan (et profils) du chenal du Port de La Nouvelle, visas de l'ingénieur en chef de l'Aude et du baron Trouvé, préfet, des 10 et 14 mars 1811.
  • 1 Fi 1228    Plan réduit (d'après Ducros 1787) d'un projet de dérivation du canal de la Robine à travers le territoire de l'île de Cauquène ou de Sainte-Lucie, approuvé par le baron Trouvé, préfet de l'Aude, le 20 mars 1806, avec demande de bacs fournis et entretenus aux frais de l'Empire (au verso : pétition J. Delmas, Larraye fils et Adélaïde Aurore ; arrêté du 10 mars 1806, l'autre du même mois, pour qu'il soit procédé aux estimations). Plan sur papier. 1787-1806.
  • 1 Fi 1229    Plan de l'île de Cauquène ou de Sainte-Lucie, dans laquelle on demande de pouvoir communiquer à la faveur d'un bac fourni et entretenu par l'Empire sur la partie du nouveau canal qui coupe l'île de l'aquilon au midi (d'après Ducros 1787) ; avec pétition de J. Delmas, Larraye fils et Adélaïde Aurore ; arrêté du 10 mars 1806 et arrêté du 24 du même mois, pour qu'il soit procédé aux estimations ("ne varietur", signé Trouvé, préfet de l'Aude, le 20 mars 1806). Copie réduite sur toile certifiée conforme le 28 avril 1882 par l'ingénieur en chef de Carcassonne (plan enregistré à Narbonne le 13 septembre 1847, n° 42). 1787-1882.