Dans la Bib' à Léon #5 L’esprit frappeur de Timoléon Jaubert

Illustration de "Le curé de Cucugnan" d'Achille Mir ; archives Léon Nelli 05J162 © AD11

"Le nom de Jaubert est inséparable de l’idée de la doctrine dont il a été l’apôtre infatigable et fervent. Cette doctrine tant décriée, sur laquelle on a cherché à déverser tant de ridicule et contre laquelle on a lancé tant d’anathèmes, vous l’avez tous nommée, c’est le spiritisme."

Extrait du discours d'Emile Lades-Gout prononcé aux obsèques de Timoléon Jaubert

in Revue Le Spiritisme, n° 9, septembre 1891

 

 

Cette chronique vous est présentée dans le cadre de la série Dans la Bib' à Léon .

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De la cour à l'au-delà, un magistrat spirite

Pierre Just Louis Timoléon Jaubert, né à Lagrasse en 1806, fut d’abord avocat à Carcassonne puis successivement substitut, juge, juge d’instruction puis vice-président du Tribunal de 1ère instance de cette même ville de 1855 à 1876, année de son départ à la retraite. Membre de la Société des Arts de Carcassonne, de la Société Philotechnique de Paris, ce ne sont ni sa carrière ni ses engagements qui, d’après la Revue Le Spiritisme d’octobre 1891, lui valurent d’être nommé chevalier de la Légion d’honneur en 1868, mais bien une autre facette de sa personnalité…Timoléon Jaubert était médium.
Malgré sa qualité de magistrat, il ne « parjurait pas sa croyance dans la survivance des morts dans l’au-delà », ce qui a provoqué les réactions plus ou moins hostiles de nombre de ses contemporains, jusqu’à la convocation pure et simple dans le bureau d’Eugène Rouher, ministre de la justice de l’époque. Cependant, Timoléon Jaubert semble avoir su transformer la colère du ministre en intérêt puis en reconnaissance. En effet, à la demande de l’homme d’Etat, Timoléon a organisé une séance de spiritisme et toujours d’après Le Spiritisme, ce dernier aurait rapporté : « vous seriez éblouis de ce que surent faire les esprits dans une circonstance aussi décisive où mon honneur et ma situation étaient en jeu ». Napoléon III était, parait-il, lui-même sensible à ce mouvement, ceci aura sans doute pesé dans la modification de la sanction en décoration. 
 

De la Légion d’honneur à la Primevère 

Sa capacité à communiquer avec les esprits et à restituer leurs propos a apporté d’autres récompenses à Timoléon Jaubert. En 1863, il remporte une Primevère réservée, récompensant la meilleure œuvre de la catégorie « Fables et apologues » de l’Académie des jeux floraux pour sa fable Le lion et le corbeau. Timoléon indique à ce propos que ce texte appartient à son « Esprit familier » et lui aurait été dicté par typtologie, c'est-à-dire au moyen de coups frappés. Ces échanges l’ont conduit à écrire (transcrire ?) plusieurs recueils comme «Fables et poésies diverses par un esprit frappeur» publié en 1862, revu et augmenté par Quelques pensées de l'esprit frappeur : fables, contes, sonnets, ode...  publié en 1878, ou encore Les Deux commandements du Christ en 1882.

À cette époque, le spiritisme est un véritable phénomène de société. Spiritualisme américain ou moderne, phénomènes magnétiques ou des tables tournantes, le mot spiritisme a été inventé par Allan Kardec, de son vrai nom Léon Rivail. Derrière le mot, il élabore une doctrine philosophique reposant sur l’identification des esprits avec les âmes des morts et le principe de la réincarnation. Il la développe dans son texte « Livre des Esprits » publié en 1857, ouvrage qui fait encore référence aujourd’hui dans le monde spirite. Timoléon Jaubert  adhérait, semble-t-il, à cette doctrine et a entretenu une correspondance avec Allan Kardec en le priant de diffuser certaines lettres et prises de position dans la Revue Spirite créée par ce dernier en 1858.
 

Les autorités ecclésiastiques s’inquiètent du succès d’Allan Kardec et de sa pensée. Cela donne lieu à des prises de position et des échanges vigoureux entre défenseurs et détracteurs du spiritisme. Valentin Tournier, proche de Timoléon Jaubert, journaliste, conseiller municipal de Carcassonne (entre autres), assidu du cercle spirite de Carcassonne, a publié des réponses circonstanciées mettant à mal les argumentations des hommes d’Eglise, telles que Desprez (Julien-Florian-Félix), archevêque de Toulouse et de Narbonne. - Instruction pastorale sur le spiritisme et mandement pour le carême de l'an de grâce 1875. Suivie de : Tournier (V.).- Réfutation ou encore à Réponse à la lettre pastorale de monseigneur Billard, évêque de Carcassonne... Toutes ces publications ont été acquises par Léon Nelli et cette dernière brochure comporte la dédicace de l’auteur Valentin Tournier « au Félibre Achille Mir »… Mais ceci est une autre histoire !

Bibliographie

 

Ainsi, Léon Nelli semblait s’intéresser au spiritisme. En effet, sa bibliothèque compte, en plus des ouvrages de Timoléon Jaubert et Valentin Tournier, différents documents sur le sujet ainsi que plusieurs carnets de communication rendant compte de séances de spiritisme qui se sont déroulées entre 1907 et 1909… Y participait-il ? Nous n’avons pas encore de réponse à cette question.

 

 

 

Ouvrages présents dans la bibliothèque de Léon Nelli

  • Fables et poésies diverses par un esprit frappeur. Carcassonne, P. Labau, 1862. - In-12°, 257 p. (cote N°878)
  • Quelques pensées de l'esprit frappeur : fables, contes, sonnets, ode, etc. 2ème éd. revue et augmentée. Carcassonne, Polère, 1878. - In-8°, 208 p. (cote N° 496)
  • Réponse à la lettre pastorale de monseigneur Billard, évêque de Carcassonne / Valentin Tournier.- Carcassonne, P. Polère, 1883. - In-12°, 16 p. (cote N°1559/153)
  • Desprez (Julien-Florian-Félix), archevêque de Toulouse et de Narbonne.- Instruction pastorale sur le spiritisme et mandement pour le carême de l'an de grâce 1875. Suivie de : Tournier (V.).- Réfutation. Saint-Germain, E. Heutte et Cie. In-8°, 32 p., s. d. (cote N°1564/1)
  • Le spiritisme devant la raison (les faits) / Tournier (Valentin).- . Carcassonne, Lajoux, 1868. In-8°, 72 p. (cote N°1564/8)

Ouvrage présent dans la bibliothèque des Archives départementales :

  • Les Deux commandements du Christ, par Timoléon Jaubert. 1ère édition. Fables, contes, sonnets. 4e édition. - Carcassonne : impr. de P. Labau, 1882. - In-16, 140 p. (cote Q°2497)