Patrimoine, Archives départementales

Le territoire dans tous ses états ! #3 ORAGES, TEMPETES, TORNADES ET CYCLONES…

Tempête 1912
AD 11 2 Fi/1090 © Archives départementales de l'Aude

Parfois, de façon souvent aussi brève que brutale, les territoires urbains ou ruraux sont soumis à des phénomènes climatiques exceptionnels, d’intensité variable et dont les conséquences sont généralement dramatiques. 

Cette chronique vous est présentée dans la rubrique Le territoire dans tous ses états ! 

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Parmi ceux-ci figurent bien sûr les inondations qui ravagent les quartiers ou les villages situés près des cours d’eau et occasionnent des dégâts durables. Mais il peut aussi s’agir de tremblements de terre, plus rares, mais dont on trouve parfois de fugaces mentions dans les registres des curés ou dans ceux des notaires.


En toutes saisons, les habitants des campagnes sont ainsi particulièrement attentifs aux orages, qui peuvent parfois tourner à la catastrophe. A Labastide-Esparbeirenque, le curé Ramel qui s’intéresse aux astres, aux comètes et à la météorologie, en signale quelques-uns dont il note la violence soudaine : « Le 9 de 7bre 1664 jour de mardi environ les cinq a six heures du soir après avoir faict un vent fort violent tout le jour, il se leva une telle tempeste aveq des tonerres et des pluyes que tout fut abimer et le vent derracina tant d'arbres… » ; « Le 29 septanbre 1665 jour de sainct michel ayant faict un temps fort pluvieus durant tout le mois et froid, enfin la nuict de la veilhe St Michel il fit un si furieus vant aveq pluyes que il déchira quantité d'arbres et le lendemain la montaigne feut couverte de nege et de frimats et la violance du vent continua tout le jour ». Parfois, ce sont même de véritables tempêtes de pluie ou de neige qui se déchaînent sur les hauteurs  de la Montagne Noire et du Cabardès : « Le 22 avril 1670 bien que il aye faict ceste année le plus rude hyver que on aye veu de memoire d'homme principalement en neges, nonobstant aujourdhuy apres avoir faict beaucoup de jours de chaud et avoir grellé en beaucoup d'endroits, il tonba une grande quantité de nege que toute la montaigne feut couverte et desendit jusques à Vilerougat que il y en avait au moins un pan » ; « Le 25 jour du mois de fevrier (1675), la terre ayant esté couverte de neges pandant sept ou huict jours que en estait tonbée a diverses fois mais en petite quantité, la nuict dudit jour veille de mardi gras il en tonba une telle quantité que il y en heut le lendemain six ou sept pans par tout, ce qui fit qu'on ne pouvait aller ny venir car il se passa au moins trois fois vingt et quatre heures sens qu'on peut passer d'ycy à Roquefère, moins encore d'ycy à Pradelles ».
 

 

Au siècle suivant, à Couiza, le curé Assezat note lui aussi la brutalité de tels épisodes :  « Le 18e avril 1720, entre une et deux heures après midy survint un orage, venant du coté de la forest des Fanges, qui en passant dechargea asses de grelle au terme de Picheyriol, et étant descendu dans le vallon de Salse, y resta fixe jusques après quatre heures du soir, et durant cet intervalle redoubla par quatre diverses foix, sur Cardou, et le quartier de Blanchefort, sur les Clapies, Cassaignes, Serres, Peyroles, avec une si prodigieuse quantité de grelle que d'abord Salse déborda, entra dans la rue du pont par bare, en antrainant deux heures durant trois pans de grelle sur l'eau, de telle sorte qu'on ne voyait plus l'eau qui était entièrement couverte de la grelle, qui s'étant liée ensemble avait formée des grands monceaux comme des portes ou des tables de trois pans d'épaisseur. Cette grelle alla sur l'eau d'Aude, plus loin que Carcassonne, c'est un fait inouy chez la mémoire des hommes et dans l'histoire, il paraitra incroyable à la postérité, cependant il est très vrai dans toutes ses circonstances et s'il y avait eu du vent violent, la perte aurait été longtemps irréparable ».


En certaines occasions, il n’est même plus possible de parler d’orages ou de tempêtes, mais il faut bien plutôt mentionner de véritables ouragans. C’est ainsi le cas à Leuc, à la fin du XVIIIe siècle, où le village est victime d’une terrible tornade, décrite minutieusement par le recteur Misse : « Evènement des plus extraordinaires. L’an mil sept cent quatre vingts et le troisième aoust à six heures du soir un ouragan des plus extraordinaires accompagné de la foudre fondit sur cette paroisse. Un éclat de tonnerre des plus forts fut le prélude qui annonça cet événement sinistre. Dans quatre minutes quatre vingts maisons furent entièrement découvertes, les tuiles brisées en trente morceaux et soulevées par l’ouragan retombaient sur la paroisse comme une grelle. Le plus grand nombre des paroissiens assemblés dans l’église étaient dans la plus grande consternation et s’attendaient à tout instant à être écrasés ; heureusement personne n’a périt, mais l’alarme fut générale ; nous craignimes touts que ce ne fut la fin du monde…Trois cents oliviers furent brisés et arrachés, la récolte qui était en gerbier éparse dans les rues, dans la campaigne et dans la rivière. La relation que j’ay intention de transmettre à mes successeurs sera toujours imparfaite, il falait être présent pour être pénétré de l’affreux de ce désastre… Le domage que les habitans ont souffert a été estimé à quarante mil livres…Cet ouragan se forma sur la paroisse de Couffoulens à la jonction des deux rivières, le tourbillon persista pendant trois quard’heure, il descendait des nues sur la terre et remontait ensuite dans les nues répandant un bruit effroyable, les personnes qui s’en aperçurent ne voyaient dans le dit tourbillon que feu et flammes ; il fondit ensuite sur le château, sur le fort et sur la partie du vilage du côté du Midi et finit à La Condomine après avoir ravagé toutes les olivetes qui étaient au dessous du cimetière… Je désire que le Seigneur vous préserve d’un semblable malheur. »


C’est encore le cas pour le Lauragais en 1797, à travers la relation de l’évènement écrite par le notaire chaurien Bernard Metge : «  Pour mémoire que cette année 2 messidor an 5 de la République, 20 juin 1797, entre une heure et deux de l’après midy, un orage des plus considérables venant du cotté de Bayonne à travers de pays accompaigné des coups de tonnerre, d’une tempette affreuse et d’une grele qui tomba de la hauteur d’environ deux pams, emporta sur un espace de terrain d’environ soixante lieues de long sur une largeur de une lieue et demy de large, la recolte de toute espèce qui se trouva sur son passage, au point que plusieurs arbres furent arrachés et emportés par l’impétuosité des vends sans scavoir ce qu’ils étaient devenus et qu’il fut impossible de reconnaître le moindre vestige de récolte sur les champs qui avaient été semés et nottament dans les communes de Mirevail, Laurac, Laurabuc, Villepinte, Lasbordes, Saint Martin, Saissac et autres ; ce qui mit la consternation et la misère dans le pays et occasionna la ruine totale d’une quantité de familles, depuis cette époque la commune de Mirevail fait faire des prières qui ont lieu tous les ans à la même époque ».
 

 

A Carcassonne, dans la nuit du 19 au 20 août 1912, c’est un véritable cyclone qui s’abat sur la ville. Des vents d’une rare violence se conjuguent alors avec des pluies diluviennes. De nombreux quartiers sont inondés comme le signale le chroniqueur du Courrier de l’Aude du 21 août : « Les rues des bas quartiers avaient été transformées en canaux et présentaient le spectacle des rues de Venise, sans les gondoles ». A la gare, quatre wagons stationnés sur les voies sont renversés par la tornade. En contrebas du Pont Neuf, les Ateliers Puel s’effondrent comme un château de cartes et sont totalement détruits. Partout, les arbres de la ville payent un lourd tribut à la tempête. Non loin de la Caserne Laperrine, le grand orme dit « de Saint-Louis » est gravement mutilé et, comme par miracle, une de ses énormes branches tombe juste entre deux roulottes, stationnées près de là. Sur le Boulevard de la Préfecture, au Jardin des plantes (Square André Chénier) et au Square Gambetta, de nombreux platanes sont abîmés ou déracinés. Dans sa chute, l’un d’eux pulvérise d’ailleurs la petite bonbonnerie du square. Même si la région connaît fréquemment de violents orages d’été, l’évènement laisse ainsi dans la mémoire collective le souvenir d’un phénomène étrange et inexpliqué, un véritable traumatisme dont témoignent d’ailleurs plusieurs cartes postales.