Archives départementales, Patrimoine

Le territoire dans tous ses états ! #14 L'Aude... dans tous ses états !

AD 11 1 Fi 808 - Tableau géographique et statistique du département de l’Aude. Cartes réalisées par Hacq et Couché, 1826. © Archives départementales de l'Aude

En ce printemps 2022, nombre de collectivités territoriales françaises commémorent le 40e anniversaire des lois de décentralisation de 1982, qui jouèrent un rôle majeur dans l’évolution des politiques nationales à la fin du XXe siècle. A cette occasion, on peut donc faire un petit retour en arrière sur l’histoire de notre département depuis la Révolution Française.

 

Cette chronique vous est présentée dans la rubrique Le territoire dans tous ses états !

 

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Un nouveau cadre territorial


C’est la date du 29 janvier 1790 qui constitue la naissance officielle de l’Aude. Comme les autres départements, le nouveau cadre territorial n’est pas dessiné sur la carte à coup de lignes droites, contrairement aux Etats-Unis d’Amérique. Bien au contraire, il s’appuie largement sur des limites préexistantes qui délimitaient, parfois de façon naturelle, divers cadres administratifs ou religieux de l’Ancien Régime. Au Sud, il se calque ainsi sur la ligne de séparation du diocèse civil de Narbonne avec le Roussillon ; tandis qu’au Nord, il suit tout simplement les frontières de celui de Carcassonne avec Saint-Pons, Castres ou Lavaur. 


Dans ces limites, la nouvelle entité administrative, située dans l’ancienne province de Languedoc, regroupe des zones autrefois éclatées entre deux généralités, trois sénéchaussées judiciaires et six diocèses civils et ecclésiastiques. Celles-ci vont des hauteurs de la Montagne Noire au Nord aux premières cimes pyrénéennes au Sud, et de la plaine toulousaine à l’Ouest à la Mer Méditerranée à l’Est, offrant une grande diversité de paysages, d’altitudes et de terroirs riches ou pauvres, ouverts ou isolés. Comme bien d’autres, le département prend le nom de la rivière qui le traverse, du Sud au Nord d’abord, puis d’Ouest en Est. 
 

Districts, arrondissements, cantons et communes


Lors de sa création, l’Aude est tout d’abord divisée en six districts : Carcassonne, Castelnaudary, Lagrasse, Limoux, Narbonne et Quillan. Ceux-ci demeurent inchangés jusqu’en 1800 (An VIII), où le Consulat décide de les remplacer par quatre arrondissements : Carcassonne, Castelnaudary, Limoux et Narbonne. Si le siège de la Préfecture est désormais fixé à Carcassonne, les autres arrondissements possèdent chacun une sous-préfecture. Ce cadre administratif global demeure très longtemps stable et il faut attendre la loi du 10 septembre 1926 pour qu’il soit fortement bousculé avec la suppression de l’arrondissement et de la sous-préfecture de Castelnaudary, dont le territoire est désormais rattaché à celui de Carcassonne. 


A un niveau inférieur, celui du cadre administratif de seconde proximité, l’organisation des cantons est, quant à elle, beaucoup plus mouvementée. Dans l’Aude, comme dans les autres départements, la géographie cantonale est modifiée à plusieurs reprises pendant la Révolution et le Premier Empire. De 80, initialement prévus dans le premier projet d’organisation départementale, le nombre des cantons est rapidement ramené à 45 en décembre 1790. Moins d’un an plus tard, l’administration départementale veut encore modifier profondément cette cartographie et crée 24 cantons supplémentaires, mais l’Assemblée législative n’entérine pas ce projet et n’accepte que 14 entités nouvelles, portant ainsi leur chiffre total à 59. Ce nombre est ensuite réduit à 44 en l’An IV, puis à 31 en l’An X. Ce dernier découpage, sans doute plus équilibré et hérité des débuts de l’administration préfectorale, ne connaît plus, jusqu’à la fin du XXe siècle, que des modifications de détails, comme le transfert du canton de Tuchan de l’arrondissement de Carcassonne à celui de Narbonne dans les années 1950. A partir de 1833, les cantons servent d’ailleurs de cadre à l’élection des conseils généraux, organes législatifs des départements. 
 

 

Dans un contexte d’extension des zones urbaines et de leur population, le décret du 13 juillet 1973 modifie profondément la géographie cantonale de l’Aude au niveau des villes, sans toucher en revanche les campagnes. Trois nouveaux cantons, comprenant parfois des secteurs urbains et des secteurs ruraux, sont ainsi créés à Carcassonne (au lieu de deux) et à Narbonne (au lieu d’un), portant le nombre total des circonscriptions à 34. Enfin, un 35e canton est érigé à Carcassonne en 1997, mettant une sorte de point final à une organisation doublement séculaire. Celle-ci est toutefois totalement bouleversée par la réforme des collectivités territoriales de 2015. De nouveaux cantons, uniquement destinés à servir de cadre électoral, sont alors tracés et remplacent les vieilles entités. Basés essentiellement sur des critères démographiques, ils sont désormais au nombre de 19. 


Enfin, pour ce qui est des communes, il y eut là aussi de nombreuses modifications. Quarante-quatre des anciennes communautés d’habitants, existant sous l’Ancien Régime, disparaissent en 1790 et sont absorbées par les villages voisins. Tout au long des XIXe et XXe siècles, une dizaine d’autres communes subissent le même sort, dans le cadre de rattachements ou de fusions, comme Molières-sur-l’Alberte, intégrée à Ladern-sur-Lauquet en 1965. A l’inverse, entre 1817 et 1935, neuf communes nouvelles font leur apparition, comme Port-la-Nouvelle, Lacombe, Villedaigne ou Caves. Cette tendance se poursuit encore ces dernières années à la faveur de regroupements administratifs et du développement des intercommunalités. En 2016, Caudeval et Gueytes-et-Labastide forment ainsi le Val-de-Lambronne, tandis qu’en 2019, les communes de Fa et de Rouvenac donnent naissance à la commune de Val-du-Faby. La délicate question du changement de nom ne date d’ailleurs pas d’aujourd’hui. Ainsi, la vieille communauté de Pérignan, dans le diocèse de Narbonne, prend le nom de Fleury en 1736, alors que la famille seigneuriale du même nom obtient du pouvoir royal l’érection d’un duché-pairie. A la faveur de la Révolution, elle reprend son nom d’origine, mais redevient finalement Fleury lors de la restauration monarchique de 1814, nom toujours en usage aujourd’hui, bien que les habitants soient dénommés les pérignanais. 
 

Une décentralisation attendue


Depuis longtemps, et notamment avec la mise en place de la Cinquième République en 1958, nombre d’élus espèrent toutefois la fin de la tutelle de l’Etat sur les collectivités locales, souvent perçue comme étouffante et anachronique. Depuis la loi sur les conseils généraux de 1871, ceux-ci n’ont en effet qu’une marge de manœuvre et un pouvoir décisionnel très réduits. Cette décentralisation, tant souhaitée, arrive finalement après l’élection de François Mitterrand à la Présidence de la République en 1981. Conçue par Gaston Defferre, ministre de l’Intérieur, la loi du 2 mars 1982 introduit d’importants changements dans l’organisation territoriale du pays et dans son administration. Désormais, c’est le Président du Conseil général qui représente l’exécutif du département et non plus le Préfet. Dorénavant, les collectivités territoriales ont une personnalité juridique distincte de l’Etat et possèdent leurs propres moyens. Elles engagent donc leurs propres responsabilités et sont soumises au contrôle à posteriori de la Cour des Comptes et des services de l’Etat. A Carcassonne, lors de la séance du 24 mars 1982, le préfet Alfred Leroux passe ainsi les rênes du pouvoir départemental au président Robert Capdeville. Comme l’indique bien plus tard le sénateur audois Raymond Courrière, il a fallu plus d’un siècle pour que les Conseils généraux deviennent enfin des assemblées de plein exercice. 


 

 

Dès lors, avec l’Acte I, puis l’Acte II de la décentralisation, les compétences administratives du département et ses actions n’ont cessé de se conforter et de s’élargir, qu’elles soient obligatoires ou non. A partir de 1995, l’exécutif audois quitte d’ailleurs les locaux de la préfecture carcassonnaise et installe la quasi-totalité de ses services dans un nouvel Hôtel du Département, construit sur le plateau de Grazailles. En 2015 enfin, le Conseil Général devient le Conseil départemental. Il compte désormais, avec une stricte parité hommes/femmes, 38 élus et représente près de 2500 agents, répartis sur l’ensemble du territoire. Elue en juillet 2020, Mme Hélène Sandragné est désormais la première femme à présider aux destinées de l’Aude.


Bibliographie 


Sabarthès (A.), Dictionnaire topographique du département de l’Aude, (1912)
Roederer (M.-C.), Paroisses et communes de France. Dictionnaire d’histoire administrative et démographique. Aude, (1979)
Blaquière (H.), « L’influence de la tradition dans la formation du département de l’Aude », Folklore, n° 17-18, 1939, p. 283-285.