Archives départementales, Patrimoine

Le territoire dans tous ses états ! #12 Le déploiement du réseau électrique dans l’Aude

AD 11 138 J 598 - Usine électrique de Fabrezan © Archives départementales de l'Aude

L’éclairage électrique fait ses premières apparitions en France dans les années 1875-1880, mais c’est surtout l’Exposition internationale d'Électricité, qui se tint à Paris en 1881, qui révéla au grand public les nouvelles possibilités offertes par l’électricité. Quelques années plus tard, l’Aude aussi s’éclaire à l’électricité !

Cette chronique vous est présentée dans la rubrique Le territoire dans tous ses états !

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L’arrivée de l’électricité dans l’Aude


L’électricité arrive dans l’Aude en 1891. La première commune à en être dotée est Quillan, le 28 juin, puis Chalabre, le lendemain. Alet est éclairée en août de la même année. Quelques années plus tôt, en 1889, un ingénieur des Ponts et Chaussées, Joachim Estrade (1857-1936), installé à Axat et intéressé par les nouvelles possibilités offertes par l’électricité, propose un projet d’électrification de la ville de Quillan, qui souhaite remplacer ses 41 lanternes à pétrole. Une usine électrique est alors achetée par le conseil municipal et quelques travaux sont effectués l’année suivante.
 

 

Parallèlement, un fondeur de Carcassonne, Monsieur Sicre, obtient en 1891 le droit d’établir pour la première fois un réseau aérien sur la voie urbaine. Une première usine électrique est construite à Trèbes, au moulin de Laroque, sur la rive gauche de l’Aude, et alimente Carcassonne à partir du 21 octobre. Naît alors la Société d’Electricité Carcassonnaise, puis, l’année suivante, la Société Méridionale d’Electricité qui établit une usine électrique en aval du Pont-Neuf, à Carcassonne. 


La Société Méridionale d’Electricité devient en 1899 la Société Méridionale de Transport de Force (SMTF) et son fondateur, Estrade, projette alors la construction d’une centrale hydro-électrique dans la Haute-Vallée de l’Aude, d’où il fera partir une ligne de transport à haute tension qui aboutirait à Fabrezan, où sera installé un poste de distribution.
 

L’usine hydro-électrique de Saint-Georges


Lors de nos pérégrinations estivales « D’un village à l’autre » , nous vous avions présenté une carte postale du barrage de Gesse, qui amène la force motrice à l’usine hydro-électrique située un peu en aval des gorges de Saint-Georges, sur la rive gauche de l’Aude. 
 

 

Le bâtiment est divisé en deux parties : un grand hall pour les machines et un pavillon dont une partie est occupée par les transformateurs à haute tension et les bureaux, l’autre partie servant de logement aux mécaniciens. Les machines ainsi établies peuvent produire 600 Kws. L’ingénieur Estrade, directeur de la S.M.T.F., est grandement remercié en 1901 pour la mise en place de cette usine : « Il y a quelques années à peine, il eut été impossible de prévoir qu’à travers ces montagnes abruptes et sauvages, où la forêt règne en maîtresse, la création d’un canal débouchant par une chute de plus de cent mètres de hauteur, porterait, avec le chemin de fer, la vie et l’aisance dans ces contrées désolées. Il eût été impossible de prévoir que de ces arides régions partiraient la force et la lumière vers les fertiles plaines du Bas-Languedoc et leur procureraient de nouveaux éléments de richesse, réservés jusqu’à présent aux villes de notre France tant aimée ». L’arrivée de l’électricité est alors perçue comme un immense pas vers la modernité et le confort pour les communes audoises, surtout rurales.


 

Le déploiement du réseau électrique


Le courant est donc transformé et redistribué à partir de Fabrezan. C’est de ce bourg situé à 70 kms de l’usine de Saint-Georges, que partent les diverses dérivations. Ce poste alimente alors Narbonne et Carcassonne ainsi qu’une centaine de villages, principalement pour l’éclairage de rue et le fonctionnement des entreprises et des commerces. L’éclairage est fourni du coucher au lever du soleil. Un employé municipal est chargé d’ouvrir et de fermer les interrupteurs, aux heures indiquées sur le calendrier des Postes.
 

 

 

En décembre 1891, le conseil municipal de Narbonne confie à la S.M.T.F l’éclairage électrique des particuliers qui débute le 1er janvier 1893. Il est ensuite décidé d’éclairer les rues, les places et les édifices communaux de la ville. Tous les becs de gaz sont remplacés progressivement par les nouvelles lampes à incandescence, le dernier s’éteignant le 1er janvier 1897. L’usine électrique, construite à proximité du canal de la Robine, doit être agrandie. Avec la mise en service de l’usine de Saint-Georges, celle de Narbonne sert davantage à la distribution et cesse son activité dans les années 1930.

 

L’usine électrique de Gesse


L’accroissement progressif de la clientèle dans l’Aude nécessite la création d’une nouvelle usine, à Gesse, qui est mise en fonction en 1914. Immédiatement en amont de celle de Saint-Georges, elle est tout aussi performante. 
La guerre augmente les besoins en électricité. En mars 1916, le Préfet adresse aux Audois un appel au civisme, leur demandant de réduire au minimum leur consommation en gaz et en électricité, afin que le fonctionnement des ateliers liés à la guerre en ait suffisamment. L’Armée se servait alors de tous les excédents disponibles.
 

Le « Plan Bleu »


Dès le 6 juin 1944, dans le cadre du « Plan Bleu », le sabotage des lignes de transport de force, sans toutefois endommager les centrales hydroélectriques de la Haute-vallée, est organisé par la Résistance. Henri Alaux, dans son ouvrage De la lumière et des hommes en pays d’Aude, rappelle que l’armée allemande surveillait de près ces sources d’énergies vitales pour elle : 120 hommes étaient basés au barrage de Puyvalador. De nombreuses pannes techniques sont volontairement provoquées par le chef de la centrale de Saint-Georges et le sous-chef de l’usine d’Escouloubre. Des pylônes à haute tension, situés entre les usines de Saint-Georges et de Gesse, sont ainsi détruits par des maquisards. En 1942, des guérilleros espagnols font plusieurs sabotages sur les lignes électriques, près de Carcassonne, de Limoux et, l’année suivante, détériorent des lignes électriques à haute tension avec des explosifs.


Après la Libération, à cause du manque d’entretien des installations électriques pendant la guerre et des dégâts causés par les sabotages, les usines n’arrivent plus à fournir assez d’énergie. En décembre 1945, le Préfet de l’Aude doit prendre un arrêté réduisant de 50% la consommation électrique dans les magasins, les cafés, les restaurants et les établissements publics ; l’éclairage public étant réduit également.
 

 

Bibliographie


Alaux H., « 1891, Quillan, première ville du département de l’Aude éclairée à l’électricité », Bulletin de la Société d’Etudes Scientifiques de l’Aude, tome LXXXII, 1982, p. 91-94. (17 PER 83)
Alaux H., « Pose de la première pierre de l’usine hydroélectrique de Saint-Georges près d’Axat », Mémoires de l’Académie des Arts et des Sciences de Carcassonne, 5ème série, tome II, 1987-1988, p. 121-125. (16 PER 45) 
Alaux H., De la lumière et des hommes en pays d’Aude, 1991. (D° 2098)