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Le territoire dans tous ses états ! #13 L’assèchement de l’étang de Marseillette

Carte de Cassini

Au Quaternaire, l’Aude est balayée par des vents violents qui modèlent les paysages et creusent des cuvettes, devenues des étangs par la suite. L’étang de Marseillette (2000 ha, 6 km de long sur 4.5 km de large) reçoit de l’eau d’un bassin versant de près de 10 000 ha. Situé sur six communes (Marseillette, Blomac, Puichéric, Rieux-Minervois, Saint-Frichoux et Aigues-Vives), sa gestion et son assèchement furent compliqués, et ce dès le Moyen Âge.

 

Cette chronique vous est présentée dans la rubrique Le territoire dans tous ses états !

 

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Un étang partagé, convoité, mais insalubre


Au Moyen Âge, l’étang est partagé entre les seigneurs locaux et le clergé. Il sert pour la pêche et pour les pâturages lorsque le niveau de l’eau est bas. Mais les eaux sont saumâtres, les moustiques pullulent et entrainent plusieurs maladies épidémiques (fièvres paludéennes, choléra). En 1605, un décret royal impose l’assèchement de l’étang, jugé définitivement trop pestilentiel. 
 

L’assèchement de l’étang à l’époque moderne


Les travaux ne commencent qu’en 1622. Les principaux « assécheurs », Anne d’Audifret et les frères Théophile et François Ranchin, font creuser une tranchée qui permet d’évacuer l’eau de l’étang vers la rivière Aude, au milieu du village de Puichéric (rigole de l’étang). 
L’exploitation des terres nouvellement conquises commence alors. Cependant, plusieurs épisodes de peste, des inondations et les guerres de Religion entravent l’entretien des terres et des canaux, et les eaux recouvrent à nouveau les terres de l’étang. Enfin, un autre problème persiste : les terres sont toujours « salées » et, par conséquent, les rendements agricoles faibles.
En 1690, la famille de Ranchin fait donation de l’étang à Jean de Comignan, seigneur de Blomac, qui afferme aussitôt les droits de pêche. En 1759, l’étang passe aux mains de Roudil de Berriac, qui s’engage à dessécher l’étang dans un délai de huit ans. De nombreux procès ont alors lieu : les abbés de Caunes et de Lagrasse veulent casser les prétentions du sieur de Berriac, prétendant que Théophile Ranchin n’avait jamais eu de droits car il n’avait pas réussi l’assèchement. Il faut donc attendre plusieurs années de contentieux pour qu’en 1767, Louis XVI maintienne le sieur de Berriac dans sa possession de l’étang, en cas de réussite du projet. 
 


 

Une situation toujours compliquée à la veille de la Révolution

Plusieurs propriétaires se succèdent depuis les tentatives d’assèchement entreprises à l’époque moderne. Cette instabilité entraine une mauvaise gestion de l’étang et des rigoles : faute d’entretien, les rigoles sont obstruées par les limons, les éboulements et la végétation. L’étang est donc à nouveau en eau et les villageois aux alentours souffrent toujours de problèmes de santé.
En 1794, un rapport commandé par le Directoire départemental révèle que le ratio décès/naissances est plus élevé dans les communes situées autour de l’étang qu’ailleurs dans le département.
 

 

Au moment de la Révolution, c’est la famille Riquet qui en est propriétaire. Emigrée dès 1791, l’Etat lui confisque l’étang en 1792 et le confie en fermage au sieur Guillaume Sendry.

En 1804, une irlandaise, Mme Lawless, fait l’acquisition de l’étang. Elle fait immédiatement procéder au recreusement et à l’élargissement de la rigole de l’Aiguille et trois autres rigoles sont ouvertes. L’étang se vide alors rapidement. La mise en culture démarre dès 1808 (blé, avoine, orge). Mais ces cultures ne remboursent pas les frais de l’assèchement et le problème de la salinité des terres persiste. En 1844, le propriétaire est exproprié et l’étang est donné à la Caisse Hypothécaire de France. Celle-ci fait construire une prise d’eau dans l’Aude pour irriguer l’étang avec de l’eau douce. Il a donc fallu attendre la fin du XIXe siècle pour obtenir un vrai dessèchement et un dessalement des terres de l’étang de Marseillette. 


En matière de mise en culture, le choix se porte ensuite sur la culture du riz qui offre de bons rendements dès ses débuts. Puis, les parcelles sont divisées, les propriétaires se multiplient et engagent des cultures maraichères et viticoles. Pour découvrir de plus près l’une des exploitations de cet étang, consultez la sous-série 152 J (Domaine Le Magasin à Puichéric - 1865-1945).
 

Bibliographie 


Bonnery (Rolland), Histoire de l'étang asséché de Marseillette, Puichéric, 1993.
Monié (Christophe), Une histoire de l'assèchement de l'étang de Marseillette : La période Lawless : 1789-1844, 2014.