Petites histoires d'Archives #16 « Voleur, maraud, pendart » : enquête sur une agression à Lagrasse !

B 1495	Procédure en matière criminelle, poursuivie à la requête de Jacques Pagès contre Marie Macou , page 1
B 1495 Procédure en matière criminelle, poursuivie à la requête de Jacques Pagès contre Marie Macou, page 1 © AD 11

Jacques Pagès, maître tisserand de Lagrasse porte plainte devant Jean de Robert, avocat de la ville de Narbonne, viguier et juge en toute la temporalité de l’abbaye de Lagrasse, le 28 juillet 1728, pour agression verbale sur sa personne.

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L’enquête

L’enquête commence par le dépôt de plainte de la victime, Jacques Pagès, maître tisserand de draps âgé de 65 ans, contre Marie Macou, habitante elle aussi de Lagrasse, lingère des révérends pères bénédictins du monastère de ladite ville. Il relate ainsi les faits : « ce jour d’huy, sur les trois heures après-midi, le plaigniant allant assister à un baptême qui se faizoit dans l’églize des dits révérants pères bénédictins, il auroit rencontré sur son chemin et près le simettière du dit monastère la ditte Marie Macou, laquelle auroit insulté le dit plaignant par parolles outrageuzes et contre la réputation du dit plaignant, laquelle, après s’estre saizi d’une pière et fait tous ses efforts pour la jetter sur le dit Pagès, elle l’auroit appellé à haute voix « voleur, maraud, pendart » et autres parolles de plus obsennes qui puissent être proférées contre la réputation d’un homme d’honneur ». Grave affaire que de bafouer l’honneur d’un homme ! D’autres personnes viennent alors empêcher Marie Macou de jeter une pierre sur le plaignant qui continua son chemin et alla assister au baptême. Revenant chez lui, il rencontre cette fois Marie Alquier, fille de la dite Marie Macou, laquelle aurait crié « volleur, coquin, maraud, pendart. Et-ce avec ma mère que tu viens d’avoir disputte ? Je te veux tuer. Je te veux arracher les yeux ». Jacques Pagès termine ainsi sa plainte.
    

L’audition des témoins

L’enquête se poursuit le lendemain par l’audition des témoins, à commencer par Françoise Delmas, qui prête serment sur les évangiles de dire la vérité. Les témoins ne doivent pas être de la même famille que le plaignant, ni travailler pour lui. Françoise a 13 ans. Elle apporte de nouveaux éléments à l’affaire : « elle auroit veu comme la ditte Marie Macou se jetta au col du dit Jacques Pagès, toutte transportée de collère » mais elle dit aussi que « le dit Pagès, après avoir dit à la ditte Marie Macou « Tu veux m’étrangler et moy je veux te jetter dans le bezal ou canal qui conduit l’eau au moulin du dit Lagrasse, qui est là tout contigeu », et qu’effectivemant le dit Jacques Pagès, après s’estre saizi de la personne de la ditte Marie Macou par sa sainture, en la tenant embrassée, faizoit tous ses efforts pour la jetter dans le dit bezal ou canal, de quoy la dépozante, ayant eu pur, elle s’en seroit allée au plus vite appeler des secours ».

Le lendemain, c’est Catherine Busquette, âgée de 20 ans, qui est interrogée. Elle aussi confirme la plainte dudit Pagès et ajoute que la fille de Marie Macou s’est approchée de Jacques Pagès et l’a pris par les cheveux « en l’appellant fripon », elle lui auroit dit « si j’avon esté ici prézante lorsque tu as maltretté ma mère et que tu l’as battue, nous nous serions étranglés ensemble ». Là encore, des habitants viennent séparer les deux personnes.

Enfin, le 1er août, le dernier témoin est entendu. Il s’agit de Louis Roubin, bourgeois de Lagrasse, âgé de 45 ans. Il dit avoir « rencontré dans le dit simettière la filhe de la ditte Marie Macou, laquelle se seroit d’un coup jettée et prize aux cheveux du dit Jacques Pagès qui estoit aussi dans le dit simettière et, toute transportée de collère, lui dizoit « maraud, pendart, quoquin » et autres mots outrageux de cette espèce », et « faizoit en même temps ses efforts pour le déffigurer au vizage ». Marie Macou, « ayant esté séparée par le dépozant du dit Jacques Pagès, auroit fait tous ces efforts pour se saizir de la canne du dit sieur dépozant pour s’en servir contre le dit Jacque Pagès, à quoy n’ayant peu icelle réussir, elle se seroit ensuitte saizie d’une pierre pour la jetter contre la personne du dit Jacques Pagès, ce qu’elle n’auroit pas pourtant fait parce que le dit sieur dépozant l’en auroit empêchée pareilhemant. »


La comparution

Les dépositions des témoins occupent sept pages du document qui vous est présenté ici. S’en suit, le 3 août, la décision du procureur juridictionnel, qui après avoir lu la plainte et les témoignages, annonce que Marie Macou et sa fille Marie Alquier « doivent estre décrettées d’ajournement personnel pour voyes deffet et injures attroces et verbales par elles commises et proférées contre la personne et l’honneur du dit Jacques Pagès ». 
De plus, elles sont « ajournées à comparoitre en personne dans trois jours par devant nous pour être ouies et interrogées sur les faits résultans des dites charges et informations et autres sur lesquels le dit procureur jurisdictionel et le dit Pagès les voudront faire ouir et répondre à leurs conclusions». 

Nul ne connaît malheureusement la suite de cette affaire et le verdict du procureur ! Et vous, quelle peine auriez-vous donné à Madame Marie Macou ?

 

Document côté B 1495.

La série B regorge d’enquêtes comme celle-ci, qui fait partie du fonds de la Temporalité de l’abbaye de Lagrasse (1661-1790), tribunal qui rendait la justice au nom du monastère en tant que seigneur. Ses compétences portaient sur les affaires civiles et criminelles pour les lieux de Camplong, Cazilhac, Ferrals, Fontcouverte, Lagrasse et Montlaur.