Petites histoires d'Archives #17 d'une étagère à l'autre

5 Fi 164	Archives départementales de l'Aude., s.d. [v. 1902], Salle du second étage sur la rue avec vue en enfilade sur le cabinet de l'archiviste, Joseph Poux. photo de Couverture
5 Fi 164 Archives départementales de l'Aude., s.d. [v. 1902], Salle du second étage sur la rue avec vue en enfilade sur le cabinet de l'archiviste, Joseph Poux. photo de Couverture © AD 11

Découvrez  l'histoire des Archives départementales de l'Aude Marcel Rainaud au travers des lieux qu'elles ont occupés , de leur création à nos jours  . 

 

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Dans notre monde contemporain, les services publics d’archives présentent l’image d’une institution stable et rigoureusement organisée au plan géographique, tant au niveau national que local. Pourtant, il n’en a pas toujours été ainsi et les documents d’archives ont souvent mené par le passé une existence nomade, ballotés de droite à gauche au gré des circonstances. Ils accompagnent alors les détenteurs du pouvoir dans leurs déplacements, de résidence en résidence, à travers voyages et champs de bataille. Une tradition tenace veut ainsi que ce soit après la défaite de Fréteval, en 1194, que le roi de France Philippe-Auguste, ayant perdu son sceau et une bonne partie des archives royales qui suivaient alors l’armée, aurait décidé de constituer pour celles-ci un dépôt permanent à Paris, donnant ainsi naissance au célèbre « Trésor des chartes ». Reprise par la Révolution Française, cette préoccupation d’une conservation centralisée donne naissance aux Archives nationales en 1790, puis aux Archives départementales en 1796.


Pourtant, la solidité institutionnelle et administrative de leur organisation n’a pas empêché les archives de connaître de multiples itinérances et déménagements, au gré de péripéties historiques et architecturales multiples. Ainsi dans l’Aude, elles furent déplacées plusieurs fois et connurent donc plusieurs lieux de conservation différents. Stockées préalablement dans une maison particulière, les documents des administrations révolutionnaires et ceux récupérés des divers organismes administratifs et religieux de l’Ancien Régime, furent ensuite installés par le Directoire dans le bâtiment de l’actuelle préfecture, dans la ville basse de Carcassonne. Les premiers efforts menés alors pour leur procurer un rangement cohérent furent ruinés en 1814. Devant l’avance des troupes anglaises, lors de la bataille de Toulouse, les archives audoises furent précipitamment transférées à Béziers. Elles revinrent peu après de ce bref exil dans un total désordre et furent alors entreposées en tas, à même le sol. Vers 1820, quelque peu réorganisées, elles furent déposées sur des rayonnages dans quatre salles spacieuses, aménagées dans l’ancienne chapelle épiscopale. 


A partir de là, l’histoire des collections audoises se résume trop souvent à une lutte incessante et désespérée des archivistes pour obtenir de la place supplémentaire afin de répondre à l’accroissement des fonds, et à d’interminables pérégrinations au sein des bâtiments préfectoraux. A partir de 1852, la chapelle étant saturée, une partie des archives est conservée dans le bâtiment des  remises. En 1863, on procède à la réunion des deux ensembles dans le même bâtiment, avec huit salles réparties sur deux étages. En 1881, le dépôt s’agrandit de deux nouvelles pièces, portant la surface totale des magasins  à 340 m2. En 1892, l’archiviste et son adjoint disposent tous deux d’un bureau et une première salle de consultation est installée. 

 

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De 1902 à 1937, c’est le carcassonnais Joseph Poux qui est à la tête des Archives de l’Aude. Grâce à son opiniâtreté, celles-ci finissent par occuper une aile entière de la préfecture en 1908. Puis, entre 1913 et 1921, il obtient la reconstruction complète du bâtiment : les planchers sont refaits en béton armé, on pose de nouveaux rayonnages, on met en place des extincteurs et on ouvre au public une salle de lecture de quatre places. Ce dépôt nous est précisément connu grâce à une série de précieuses photographies en noir et blanc. Il offre alors l’image d’étagères poussiéreuses où les liasses de papiers s’empilent horizontalement, chacune munie d’une languette d’identification en carton. 

En 1937, le département décide de construire un nouveau bâtiment pour abriter les archives audoises. Celui-ci, construit en béton armé et pourvu d’une structure métallique autoporteuse, s’élève à deux pas de la préfecture, au n° 48 de l’actuelle rue Jean-Bringer. 

Interrompu par la Seconde Guerre mondiale, son aménagement complet n’est achevé qu’en 1945. Entre novembre 1939 et février 1940, on procède au transfert des 2,5 kilomètres de documents à l’aide d’un chariot à bras nécessitant d’incessantes rotations journalières. Toutefois, en septembre 1943, les documents historiques les plus précieux sont mis à l’abri dans les caves de l’abbaye bénédictine d’En Calcat, dans le Tarn, et ne regagnent Carcassonne que deux ans plus tard.


Au début des années 1970, le dépôt du centre-ville, dont on a pourtant étendu les capacités de stockage à près de 8,5 kilomètres, est totalement saturé. Sa salle de lecture est trop exigüe et les possibilités d’agrandissement sont inexistantes. De 1979 à 1981, un dépôt annexe, léger, du type « silo d’archives à l’américaine », est finalement construit par la collectivité départementale dans la zone industrielle carcassonnaise de La Bouriette. Il offre dès lors 8 kilomètres supplémentaires de rayonnages, répartis sur trois niveaux. 

La solution choisie présente toutefois un inconvénient majeur : la séparation en deux du personnel de la direction et des collections, avec une seule salle de lecture située en centre-ville. 


Enfin, devant le remplissage accéléré de l’annexe et l’étroitesse de la salle de lecture de la rue Bringer, le département de l’Aude décide, dès 1994, de construire un nouveau bâtiment sur le site du plateau de Grazailles, où il rassemble ses différents services. Le projet architectural est choisi en 1998 et la première pierre posée en janvier 2001. 

D’octobre 2002 à janvier 2003, ce sont alors près de 25 kilomètres de  documents qui sont déménagés simultanément des deux sites existants vers leur nouvel abri, spacieux et répondant à toutes les exigences réglementaires d’une bonne conservation.


Installées désormais durablement non loin de l’hôtel du Département, les Archives départementales de l’Aude sont prêtes à affronter les turbulences du XXIème siècle.