Archives départementales, Patrimoine

Surprises d'Archives A la redécouverte de Dantoine

1R514 Détail © AD11

Les Archives départementales de l'Aude Marcel Rainaud vous proposent un nouvel éclairage sur l'oeuvre du dessinateur et caricaturiste carcassonnais Pierre Dantoine (1884-1955), dont elle possède plusieurs originaux. 

Cet article fait partie de la collection Surprises d'Archives disponible sur la page "Partager notre connaissance des fonds".

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Nous avons l’habitude d’associer l’œuvre de Pierre Dantoine à la Grande Guerre. Affecté au 272e régiment d’infanterie, distingué à Verdun, décoré de la Croix de guerre en 1917, Dantoine a pu, durant les quatre années du conflit, donner libre cours à ses talents d’illustrateur et croquer, sur le vif, de nombreuses scènes de la vie des tranchées, voire des moments de combats. 
Cependant, il a su dépeindre l’horreur de la guerre avec un recul et un humour si caractéristique que ses dessins, diffusés après l’armistice, ont connu un réel succès. Son album sur la Guerre de 1914-1918 a été diffusé à plus de 10 000 exemplaires. Qualifié bien souvent de « dessinateur humaniste », Dantoine a développé un style bien à lui, qui lui a valu une belle notoriété locale. Ses personnages, s’exprimant tour à tour en français et en occitan, dépeignent la situation à laquelle ils sont confrontés avec une désarmante bonhommie, où se mêlent bon sens paysan et critique acerbe.

L’accueil favorable que le grand public a su réserver à ses croquis lui permet, dès 1920, de dessiner pour La Dépêche du Midi. Par la suite, il va rapidement collaborer également à plusieurs revues, qu’il pigmente régulièrement de ses petits dessins. Mais il n’oublie pas pour autant son passé de poilu : il est en effet le dessinateur officiel de la Fédération départementale des Combattants de l’Aude.
Fils d’huissier, Dantoine embrasse assez tôt un cursus de fonctionnaire de l’Etat et entre à la Préfecture de l’Aude en tant que rédacteur dès 1909. Il y entame une longue carrière et devient chef de bureau en 1932. Apprécié de ses chefs comme de ses subordonnés, Dantoine est très bien noté par sa hiérarchie qui voit en lui « un esprit caustique et une âme d’artiste », comme le confirme un renseignement de 1941. Il est libéré de ses obligations professionnelles en 1945.

Mais, pour autant, si Dantoine a continué à faire parler de lui à travers ses dessins, publiés dans la presse quotidienne, dans des revues spécialisées ou dans des ouvrages (ex. : Le portail de Jacques Aubin réalisé avec Osmin Nogué), il a aussi persisté à croquer et crayonner dans le cadre de son activité professionnelle. Et c’est cet aspect de l’œuvre du personnage que nous connaissons beaucoup moins. Aussi, avons-nous été pour le moins surpris lorsque, au détour d’un travail de classement d’archives, nous avons (re)découvert quelques dessins inédits, signés de Dantoine, et illustrant des scènes de la conscription militaire des années 1933 à 1940. Ces œuvres humoristiques, tout à fait dans le style, démontrent bien la place qu’avait encore le dessin dans l’environnement professionnel de l’auteur. On y retrouve bien sûr sa gouaille subversive, notamment à l’égard de la hiérarchie militaire : un trait d’esprit hérité des tranchées, à n’en pas douter… Mais on y décèle aussi certains des aspects caractéristiques de la mentalité de son époque. Le dessin représentant un conscrit de la classe 1940, ayant le visage d’Adolf Hitler tatoué sur son postérieur, est assez représentatif du mélange d’insouciance et de résignation qui animait les esprits des Français au début de la Seconde Guerre mondiale.

Au final, concluons que l’œuvre de Dantoine nous est encore assez mal connue. Certains de ces dessins pittoresques réapparaissent de temps à autre, notamment dans le cadre de ventes aux enchères. Aussi, l’image de l’illustrateur de la Guerre de 1914-1918, si elle reflète bien la réalité, doit être complétée avec d’autres découvertes, qui toutes contribueront à mieux appréhender les multiples facettes de ce personnage, pour le moins haut en couleur…