Archives départementales, Patrimoine

Archives vagabondes #4 Les soldats voyageurs de l'Empire. Carnet de guerre du gendarme Jean-Baptiste Louis Cornet (1774-1846)

Cahier Cornet
AD 11 74 DV © Archives départementales de l'Aude

Rares sont les carnets de guerre ou les mémoires de soldats de l’époque napoléonienne qui soient parvenus jusqu’à nous. Ce sont pourtant des sources précieuses sur leur vie de militaires en campagne, décrivant les combats, mais aussi les déplacements et le quotidien des troupes. 

Cette chronique vous est présentée dans la rubrique Archives vagabondes

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          Le cahier original, écrit par Jean-Baptiste Louis Cornet, lui fut confisqué lors de son emprisonnement en Prusse. Ce sont donc des notes prises quelques années après les faits, ainsi que d’autres papiers personnels, que nous avons eu la chance de numériser (fonds 74 DV), grâce au prêt de Mme et M. Jean-José Gastou.

De Troyes à Alzonne


          Né le 24 août 1774 à Troyes (Aube), il est le fils de Louis Cornet, maçon, et de Marie Anne Pierron. Soldat, puis gendarme, il est affecté à la Compagnie de gendarmerie de l’Aude en 1813, après avoir participé aux campagnes militaires de la jeune République française puis de l’Empire de Napoléon Ier. Veuf depuis 1814, il épouse en secondes noces Anne Espagnac, fille de charron, résidant à Alzonne, le 3 février 1819. Il est alors brigadier à la gendarmerie royale d’Alzonne depuis 1816, appartenant à un régiment de cavalerie. Il est démobilisé en 1830 et reçoit la Légion d’honneur en 1843. Il décède le 20 novembre 1846 à Alzonne.

Soldat de la République puis de l’Empire (1791-1812)


          Il n’a que dix-sept ans lorsqu’il s’engage dans le 58e régiment d’infanterie de ligne. De 1791 à l’an IX de la République, il participe aux campagnes militaires. Félicité pour son mérite et ses services au sein de sa compagnie, il est démobilisé en l’an X. En 1802, il devient alors gendarme. Il repart en campagne de 1805 à 1812 : Moselle, Ardennes, Allemagne, Hollande, Prusse, Espagne et Portugal. Le carnet révèle ainsi les distances importantes parcourues par les armées impériales. Au total, son parcours s’étend sur environ 5000 kilomètres et il compte dix-sept années de campagnes à son actif.
Lors de ces campagnes, il reçoit trois blessures : un éclat d’obus à la cuisse au siège de Namur, une blessure à la main lors de l’affaire d’Arlon en Luxembourg et une balle dans le pied à la bataille de Neubourg sur le Danube.
 

Carnet de campagnes (1809-1812)


          Parmi les archives qui constituent ce fonds, un carnet retrace « les endroits remarquables » où Jean-Baptiste Louis Cornet est passé à partir du 30 avril 1809 (74 DV 2). Il prend d’ailleurs soin d’indiquer les distances entre chaque lieu où il est passé.


          « Parti pour l’Allemagne, en faisant partie de la Grande Armée » sont les premiers mots de ce récit de campagne. La Grande Armée est l'armée impériale de Napoléon Ier, de 1804 à 1814. Il rejoint ainsi la Bavière puis l’Autriche. Il participe à la bataille de Wagram, à 10 km au nord-est de Vienne et la résume ainsi dans son carnet : « Nous nous sommes battus le 4, 5 et 6 juillet à la forte bataille de Walgram, le carnage était affreux, 500 bouches à feu d’une part et d’autre ont joué, plusieurs charges de cavalerie au nombre de 20 000 hommes, les empereurs commandaient en personne, l’armée d’Italie a fait sa jonction par les gorges de Hongrie, nous avons culbuté l’ennemi à 7 heures du soir. La paix a été faite le lendemain de l’affaire. Je fesais partie de la division chargée de brûler les cadavres avec 600 paysans qui les ramassaient, nous avons restés 4 jours pour cette opération.»


          En septembre 1809, il repart d’Autriche en direction de l’Espagne. Il passe la frontière française le 9 janvier 1810, puis traverse Besançon, Dijon, Autun, Limoges, Périgueux, Bordeaux, Bayonne et arrive enfin à Irun, Victoria, Burgos. A Soria, le 29 février 1810, les troupes se font attaquer. « Nous fumes attaqués par la bande du curé Mérino au nombre de quinze cent hommes, il ne s’est sauvé que la maréchal des logis, 3 gendarmes et le capitaine blessé ; pendant 3 heures le carnage a été horrible, nous nous sommes défendus à toute outrance, nous ne pouvions plus lever le bras d’avoir pointé avec nos sabres droits, nous avons d’après le rapport du lendemain, tué 400 hommes, mais nos camarades ont bien souffert avant de mourir, le lendemain on les a trouvés quelques uns les pieds rotis, d’autres les yeux et les testicules coupés. Ce jour là j’ai reçu 31 coup de sabre tant sur mon cheval que sur mes épaules. Nous eumes bien du mal à nous sauver dans des montagnes. Grâce à la nuit nous avons trouvé une baraque ou il y avait deux hommes, ne pouvant nous faire comprendre pour demander le chemin ou il y avait des Français, nous fumes obligé de passer le sabre au travers du ventre d’un bossu pour faire peur à l’autre qui nous a parfaitement conduit à un fort à 2 lieues ou il y avait un détachement de gendarmes à pied. »


          La compagnie continue ensuite sa route par Valladolid, Salamanque, puis ils font le siège d’Almeda au Portugal : « Le feu a commencé le 26 août 1810. A 6 heures du matin la ville s’est rendue le 27 par le moyen d’une bombe qu’est tombée dans une église, elle était lancée d’une de nos batteries, l’église était remplie de poudre, l’explosion a fait sauter la moitié de la ville et des bastillons, une partie de la garnison et des habitants ont sauté et péris ».

 

          Le 27 septembre, ils se battent à Coimbra contre les Anglais et les Portugais et sont à nouveau vainqueurs. Ils sont cependant bloqués un peu avant Lisbonne. Attaqués par les Anglais, Cornet raconte : « Mon cheval eut l’oreille coupée d’un coup de sabre et culbuté par un boulet, cela a été mon bonheur, j’ai tué le dragon anglais, j’ai pris son cheval ou il y avait une besace de biscuit qui m’a sauvé la vie, il y avait 3 mois que je n’avais vu une mie de pain. Nous avons perdu la bataille ».

 

          Les Français battent en retraite en 1812 et Cornet rejoint Bayonne puis Pau, où il reste six mois pour se guérir de ses blessures avant de rejoindre Carcassonne.