Crimes, brigands et mystères audois #2 Triple assassinat au Petit-Baliste (1887) Episode 2 : une première arrestation

Carte de Baliste où se trouve la ferme du petit-Baliste, détail de la carte du diocèse de Narbonne, levée par les voies astronomiques et géométriques, par MM. de l'Académie royale de Montpellier et par ordre des Etats généraux de Languedoc, 1760/1763, 1 Fi 1025 © AD11

Avec un sentiment de haine contre les espagnols en toile de fond, ce deuxième épisode rend compte de l'article paru le lendemain, toujours dans le journal impérialiste Le Courrier de l'Aude. Le suspect y semble déjà tout trouvé...

Cette chronique est issue de la saison 2 de la collection Crimes, brigands et mystères audois, aussi disponible en audio.

 

 

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Triple assassinat au Petit-Baliste, nouveaux détails dans Le Courrier de l’Aude du 15 juin 1887

Quelques erreurs s'étant glissées dans mon récit de l'assassinat de ce matin, je suis obligé de reconstituer les faits comme suit :
Les quatre assassins, franchissant le mur de clôture du jardin, font sauter les volets de l'unique croisée basse qui donne le jour à la cuisine, au moyen d'une pince ; ils brisent les carreaux pour ouvrir la fenêtre et ils pénètrent dans la cuisine tous les quatre. 
Les aboiements du chien et le bruit des vitres cassées avaient éveillé les gens de la maison. Sans prendre le temps de s'habiller, tout le monde descend, l'homme passant devant et les femmes suivant, ne se doutant pas le moins du monde qu'elles couraient à la mort.
Quatre ou cinq marches avant d'arriver au fond de l'escalier, Joseph Siadous qui ne distinguait pas encore parfaitement les objets, est brusquement assailli par un homme de haute taille, portant une longue barbe noire, qui lui porte un coup de couteau au côté gauche du cou, lui faisant une blessure très légère. 
Siadous, qui a à peine une trentaine d'années, est doué d'une force peu commune. Il saisit le bras armé de son agresseur et oblige celui-ci à reculer. 
Deux coutelas et un fusil sont pendus au mur à portée de sa main ; mais il n'a pas tout son sang-froid et il ne cherche qu'à désarmer son adversaire. 
La vue des trois autres bandits achève de le rendre fou ; il se précipite vers la porte, tout en faisant face à l'espagnol, l'ouvre et court vers la ville en criant : au secours ! 
Au moment où il ouvrait la porte, il a reçu au-dessous du sein gauche un coup de couteau dont la blessure quoique sans gravité, le fait par moment beaucoup souffrir. 
Lui parti, que se passa-t-il ? Sûrement, un drame qu'il est impossible de décrire, une de ces scènes de meurtre dont il est impossible de rendre un compte exact.
Que trouva-t-on en rentrant ? Deux cadavres étendus au milieu de la cuisine ; l'un, celui de la jeune fille, avec une horrible blessure au cou sectionnant l'artère carotide et atteignant même la trachée artère. 
L'autre, celui de la femme, encore plus mutilé. Les assassins, après l'avoir frappée au cou, ont dû voir que la pauvre femme vivait encore et ils ont dû l'achever en lui plongeant leur poignard dans le ventre, faisant ainsi une victime de plus d'un petit être prêt à naître.
Le vol a suivi le crime. Une montre et la somme de 41 francs ont été enlevées. 
J'ai dit que Joseph Siadous avait reçu deux blessures très légères. Mais si son corps est à peu près sain, il n'en est pas de même de son esprit. 
L'horrible tableau des cadavres de sa femme qui allait le rendre père, et de sa belle-sœur a produit une violente commotion sur son cerveau et on craint pour sa raison.
Par intervalles, il a des accès de folie que l'on ne peut voir sans être ému jusqu'aux larmes. Il pleure d'abord comme un enfant et profère des imprécations contre les assassins ; puis, sans transition aucune, il se met à rire, d'un rire nerveux, d'un rire de fou. 
Deux espagnols ont été arrêtés à la gare, au moment où ils prenaient un billet pour l'Espagne. Ils ont été écroués à la maison d'arrêt, en attendant leur confrontation avec Siadous. 
Un troisième, qui répondait au signalement de l'assassin barbu, donné par Siadous, a été amené en présence de celui-ci. Siadous a déclaré qu'il le connaissait comme conducteur d'un tombereau des immondices, mais que ce n'était pas un des assassins. 
Les cadavres ont été transportés à l'hôpital pour l'autopsie. 
La population indigène de Narbonne est on ne peut plus surexcitée par les nombreux crimes qui, depuis longtemps et sans répit, portent la désolation dans nos familles. 
On ne saurait trop supplier les autorités supérieures de prendre enfin des mesures rigoureuses et efficaces pour sauvegarder nos vies contre les bandits espagnols qui infestent le département de l'Aude et Narbonne en particulier. 
La mesure des forfaits commis par ces étrangers est comble ; tout le monde le sent et tout le monde demande l'expulsion complète des espagnols séjournant à Narbonne. 
Si cette situation n'est pas bientôt améliorée, il est à craindre les plus grands malheurs.