Crimes, brigands et mystères audois #2 Triple assassinat au Petit-Baliste (1887) Episode 1 : le meurtre

Le Courrier de l'Aude, 14 juin 1887 manchette © AD 11

Dans cette saison 2 de la collection Crimes, Brigands et Mystères Audois, découvrez un fait divers audois, à rebondissement qui a marqué la fin du 19e siècle : le triple assassinat au Petit-Baliste près de Narbonne. Cette chronique sera exclusivement composée d'extraits de journaux d'époque. 

Dans ce premier épisode, plongez-vous dans les pages macabres du Courrier de l'Aude du mardi 14 juin 1887. Retrouvez également ces chroniques en audio.

 

 

Publié le

Triple assassinat au Petit-Baliste, Le Courrier de l’Aude du 14 juin 1887

Un triple assassinat a été commis cette nuit dans une métairie appelée le Petit-Baliste, appartenant à M. Barthélémy Pascal, et située à un kilomètre et demi environ de Narbonne. 
Voici les renseignements que j'ai pu prendre sur les lieux : ce matin, un peu avant trois heures, tout le monde étant couché dans la maison, le chien de garde s'est mis à aboyer fortement, puis il s'est tu. 
Le ramonet, Joseph Siadous, s'est mis à la croisée pour voir ce qu'avait le chien ; il a aperçu deux individus, deux espagnols, qui secouaient la porte. 
Après avoir prévenu sa femme Cécile et sa belle-sœur, Marie Rouger, il est descendu pour demander aux espagnols ce qu'ils voulaient. 
Dans l'escalier, il se heurte contre deux autres espagnols, dont l'un lui porte deux coups de couteau, au cou et au côté droit du ventre. 
— Mon Dieu ! s'écrie Joseph Siadous ; nous sommes tous perdus. 
Des cris de désespoir lui répondent d'en haut. Pris d'un accès de folie furieuse, Siadous se dégage des mains des bandits et court au cimetière de Cité, éveiller Noyez, le concierge, et lui demander du secours. 
Noyez s'empresse de faire partir sa femme à la ville, pour prévenir le Parquet, et il aide Siadous à regagner sa maison, escorté par trois pêcheurs qui passaient à ce moment sur la route. 
A la maison, un horrible spectacle les attendait. Dans la cuisine, au rez-de-chaussée, les deux femmes gisaient mortes dans une mare de sang, le haut du corps criblé de coups de couteau. 
Voici ce qui s'était passé. Pendant que deux espagnols se tenaient à la porte, deux autres franchissaient le mur de clôture du jardin, enfonçaient la croisée de la cuisine et montaient au premier étage, où se trouvaient les deux femmes. 
Celles-ci, affolées de peur, n'ayant eu le temps que de passer un jupon, se sont précipitées dans l'escalier, puis dans la cuisine, afin de se sauver dans le jardin. 
Mais leurs assassins les poursuivaient et elles n'ont pas eu le temps ; elles ont trouvé la mort, une mort épouvantable, et elles sont tombées l'une près de l'autre mortes ensemble et mélangeant leur sang. 
Cécile, la femme de Siadous, avait environ 25 ans et était enceinte de sept mois de son premier enfant ; sa sœur, Marie Rouger, brave jeune fille de 18 ans à peu près, était venue depuis peu au Petit-Baliste pour l'assister dans ses couches. 
M. Ramel, juge d'instruction, M. Aldy, procureur de la République, M. le docteur Marty, M. le capitaine de gendarmerie et une brigade, MM. les commissaires central et de police et quelques agents se sont rendus sur les lieux à la première heure. 
Joseph Siadous, couché dans son lit, a pu répondre aux questions du parquet ; mais celui-ci tient l'instruction secrète. 
Nous savons seulement que Siadous a donné le signalement d'un seul espagnol, portant, dit-il, une forte barbe. On se perd en conjectures sur le mobile du crime. Siadous se vantait souvent d'avoir de l'argent ; mais rien n'a été soustrait de la maison, aucun meuble n'a été fouillé.
L'opinion publique attribue ce crime à la vengeance. Siadous a eu plusieurs fois des démêlés avec des espagnols qui habitent des maisons voisines. Samedi soir même, Siadous ayant aperçu des espagnols à ses cerisiers, s'est battu avec eux et les a roulés d'importance, il porte encore des traces d'égratignures. 
A l'heure où je vous écris, la première enquête n'est pas encore terminée ; l'autopsie des cadavres n'aura lieu que ce soir, probablement. Je vous en donnerai le résultat. 
J'oubliais un détail pénible : un jardinier qui reste près du Petit-Baliste, prévenu de l'assassinat et prié de porter des secours, a absolument refusé, parce qu'il était brouillé avec Siadous. Sa conduite est celle d'un homme sans cœur et messieurs du Parquet n'ont pas manqué de le lui reprocher très sévèrement. 
Au moment de clore mon courrier, on m'annonce l'arrestation d'un espagnol répondant parfaitement au signalement de l'individu que Siadous a indiqué comme porteur d'une barbe. 
Il prenait un billet pour l'Espagne et, dans un pain qu'il portait sur lui, dans un sac, le gendarme qui l'a arrêté a trouvé un pistolet. A demain d'autres détails. 


Arrestation. — Hier, vers quatre heures, le commissaire de police de Carcassonne a procédé devant les guichets de la gare, à l’arrestation d'un espagnol qui venait de prendre un billet pour Quillan. Il a été conduit au Parquet. On suppose que cet individu n'est pas étranger à l'assassinat de Narbonne.