Archives départementales, Patrimoine

Du brouillon à la minute : les actes notariés

acte notarié
AD 11 3 E 21449 © Archives départementales de l'Aude

Au sein des fonds des Archives départementales de l’Aude, les minutes notariales, classées dans la sous-série 3 E, représentent la masse documentaire la plus importante, soit plus de deux kilomètres linéaires et 22 000 cotes. Parmi tous les documents notariaux, seuls les actes originaux, appelés minutes, constituent des archives publiques. Ils doivent donc être versés par les études notariales, passé un délai de 75 ans, et sont conservés de façon définitive. En revanche, les copies (ou grosses, ou expéditions), les registres comptables ou la correspondance constituent des archives privées et ne sont pas conservés. Dans l’Aude, les actes notariés les plus anciens remontent à la seconde moitié du XIIIe siècle.

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Brève histoire du notariat méridional


Apparu en Italie au début du XIIe siècle, le notariat public se diffuse rapidement dans le Midi français à partir des années 1150 et dans le courant du siècle suivant. Qu’ils soient seigneuriaux, communaux ou épiscopaux, ces notaires sont tous des scribes laïcs, qui valident les actes qu’ils rédigent à l’aide de leur seing manuel, garantissant ainsi leur caractère exécutoire et leur authenticité. Aux XVe et XVIe siècles, l’implantation notariale s’intensifie, des villes vers les campagnes. Par la suite, le pouvoir royal cherche constamment à unifier le notariat, il lui impose de rédiger ses actes en français, de conserver ceux-ci sous forme de registres et dans de bonnes conditions (Ordonnance de Villers-Cotterêts, 1539), puis de les faire enregistrer au bureau du contrôle des actes (à partir de 1693). 
 

Divers types de registres et d’actes 


Jusqu’au milieu du XVIe siècle, dans les pays d’Aude, les fonds notariaux recèlent différents types de registres.
Il peut tout d’abord s’agir de brouillons (ou brouillards), qui ne sont donc qu’un premier jet, largement informe, de l’acte futur, le plus souvent raturé. Toutefois, ce type de document a été peu conservé.  
La plupart du temps, les actes se présentent donc sous deux formes couramment répandues : les brèves et les étendues.
Les brèves (ou protocoles, ou notules) sont des versions abrégées des actes, rédigées par le notaire, qui s’est déplacé, en présence des parties. Ce sont des actes courts, ne comprenant guère que 20 ou 30 lignes, parfois moins, qui ne sont pas signés, ce qui rend leur identification ardue, et sont difficiles à lire à cause de leur écriture cursive et peu soignée. Ces brèves sont inscrites au registre, sauf exception, dans un ordre strictement chronologique, celui des rendez-vous entre le notaire et ses clients. Dans ces registres, certains actes sont barrés ou cancellés : il s’agit le plus souvent de reconnaissances de dette dont le remboursement a été réalisé et qui n’ont donc plus d’utilité.  
 

A l’inverse, les étendues (ou ordonnées) sont des versions définitives des actes, rédigées dans un second temps par le notaire à partir des brèves, elles sont complètes et comprennent toutes les clauses et formules, sans abréviations. Elles sont aussi faites pour faciliter la délivrance de copies aux parties concernées. Elles sont inscrites dans l’ordre de leur mise au net, qui n’est donc pas chronologique, avec des décalages qui peuvent atteindre plusieurs années, en fonction des demandes de copies. De plus, il est courant qu’un même notaire tienne simultanément plusieurs registres d’étendues qui s’étalent ainsi sur 20 ou 30 ans.

Signalons enfin le moyen de distinguer un acte notarié original d’une copie : le premier est signé par le notaire et les différentes parties, alors que la seconde ne comporte que la signature du notaire. De plus, les copies sont toujours des actes sur feuilles volantes. 


L’épineuse question des dates


En France, avant 1565, l’année ne commence pas au 1er janvier. Les notaires méridionaux ne font donc pas débuter leurs registres à cette date, mais selon les régions à diverses fêtes importantes qui marquent le calendrier liturgique. Dans les pays d’Aude, on trouve ainsi fréquemment Noël (25 décembre), l’Annonciation (25 mars) ou encore Pâques (date mobile), qui définissent donc les principaux « styles » utilisés.
Il en résulte une nécessaire conversion du millésime des actes passés avant 1565, pour la période allant du 1er janvier  au dernier jour du « vieux style ». Ainsi, par exemple, un contrat daté du 10 février 1513 dans le style de l’Annonciation, a en fait été passé le 10 février 1514 selon notre calendrier, date qualifiée alors de « nouveau style ». 
Par l’édit de Roussillon (janvier 1564), Charles IX impose dans l’ensemble du royaume le style du 1er janvier, ce qui permet de faire toujours démarrer l’année à une date fixe. A partir de là, les minutes notariales prennent donc peu à peu leur forme définitive et toujours actuelle.

Bibliographie


Giry (A.), Manuel de diplomatique, 2 vol., 1894.
De la Ligurie au Languedoc. Le notaire à l’étude. Archives départementales du Tarn, 2012.