Patrimoine, Archives départementales

Petites histoires d'archives #19 Faites venir le médecin !

Prescriptions médicales d'Arcens
5 J 131 © Archives départementales de l'Aude

Dans nos fonds privés, on trouve les documents de travail de Jean-Antoine Fornier, chirurgien à Campagne-sur-Aude de 1780 à 1786. Il nous a notamment laissé quelques-unes des ordonnances médicales que lui a adressées un certain Arcens… 

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Bouillon, lavement et régime particulier pour le domestique de Madame Duvivier

Le 22 septembre 1786, Madame Duvivier, de Saint-Ferriol, demande au médecin de venir ausculter son domestique qui souffre depuis trois mois de maux de ventre et de vives coliques accompagnées de fièvre (document coté 5J 131). Arcens craint « qu’il n’y ait quelque suppuration interne à la suite d’irritation et inflammation lente dans les intestins ou autres parties adjacentes » et propose, pour commencer, de lui faire quelques bouillons.

« Prenés un jeune poulet, vuidé et farci de riz, faites le bouillir avec une demi-once d’ecorce de Simarrouba et deux drachmes de rapure de corne de cerf mises dans un nouet, a demi-cuite ajouter une once de racines d’oseille et autant de celles de pissenlit, ajoutés ensuite pour les dernieres 4 à 5 minutes une poignée et demi en tout de feuilles de chicorée, de pimprenelle et d’aigremoine, coulés ensuite la décoction réduite à trois prises. » La livre marchande de la pharmacie était composée de 16 onces, l'once de huit dragmes, le dragme de trois scrupules et le scrupule de 24 grains. L’un des bouillons sera à prendre le matin à jeun, l’autre vers les trois heures de l’après-midi et le dernier au coucher.

Un lavement est également prescrit au malade. Il s’agira d’une « décoction de racines de chicorée et de ris avec quelques feuilles de scolopendre et une poignée de celle de chicorée. »

Le régime alimentaire du malade doit également être modifié : « Le malade doit se nourrir de crèmes de ris, de farines d’orge passées au four, de soupes à l’eau et un jaune d’œuf, de citrouille, d’herbes douces, d’un peu de fruit bien mur, de fèves fraisées, on peut assaisonner légèrement le tout d’un peu de canelle. »

Après 12 jours de traitement, si le malade ne va pas mieux, le médecin préconise de revenir l’ausculter. Le 4 octobre 1786, les remèdes cités ci-dessus doivent être abandonnés. Le malade doit désormais prendre « du petit lait clarifié avec le blanc d’œuf, y faisant bouillir pendant la clarification
deux dousaines de cloportes écrasés
». Ce petit lait doit être avalé deux fois par jour, le matin à jeun et vers les trois heures de l’après-midi. Enfin, une heure avant le diner et le soir après la digestion du souper, le malade devra avaler le mélange suivant : « prenés rhubarbe, corail rouge preparé, yeux d’ecrevisses, le tout pulvérisé de chaque, dix grains, limaille de fer et cachou brut pulvérisé de chaque, six grains, melés le tout et formés le boles ou des pillules avec l’extrait de genievre ; ou moitié extrait de genièvre et moitié diascordium ». Le diascordium était composé de plusieurs plantes (racines de gentiane, cannelle, miel, vin, scordium, gomme arabique, gingembre, poivre long…).

Saignées, bouillons et tisanes pour la fille de François Bonnet

Prenons l’exemple d’un autre patient que le médecin visita le 21 mars 1789. La fille de François Bonnet, dite la Pichique de Brenac, « est attaquée de convulsions dans les parties supérieures et inférieures du côté gauche depuis une quinzaine de jours. Ces convulsions qui forment une espèce de danse de saint Guy, reconnoit vraisemblablement pour cause la grossièreté et la lenteur de la masse du sang et des humeurs qui s’arrêtant partiellement dans les vaisseaux du cerveau, donnent lieu à l’inégalité de l’influx des esprits ; la sensibilité et la mobilité du genre nerveux semblent concourir à produire les mêmes effets. » 


La « danse de Saint-Guy » est appelée ainsi suite à une épidémie de chorée de Sydenham qui ravagea l'Allemagne et les Pays-Bas au IVe siècle. Les malades étaient agités, tremblaient de tous leurs membres et ressemblaient à des danseurs pris de convulsions. Les populations se mirent à prier saint Guy devant sa statue et dans les lieux où son culte était pratiqué. C’est une maladie infectieuse du système nerveux, apparaissant après une infection à streptocoques, caractérisée par des mouvements involontaires et contractions des muscles du tronc et des extrémités. 

Le médecin préconise de commencer par une saignée du bras gauche et, le lendemain, la malade devra boire le bouillon suivant : « Pressés un morceau de maigre de veau, de chevraud, d’agneau, ou enfin de colet de mouton, à demi cuite ajoutes racines de grande valerianne et de pivoine male de chaque deux drachmes de celles de chiendant et de fenouil de chaque demi-once, ajoutés encore sur la fin des feuilles de capillaire, de bourrache et de chicorée, et une pincée de fleurs de romarin, ou de caille lait, ou de camomille. »

La malade devra prendre ce bouillon en se couchant et le matin à jeun, pendant dix à douze jours, puis sera à nouveau purgée. Une tisane lui est également conseillée : « Prenés une poignée de feuilles de melisse, deux pincées de fleurs de caille-lait, ou de camomille, et six feuilles d’oranger jettés dessus demi-pot d’eau bouillante et faites infuser chaudement et le vase fermé pendant une heure et coulés. » 

Enfin, viennent quelques recommandations sur le régime alimentaire qui doit être composé « d’aliments legers, doux et de fassile digestion, le gras, les herbes douces la courge les œufs fins doivent en faire la base. La malade doit éviter le salé l’épicé et le froid. »

 

Rien ne nous dit malheureusement si ces traitements ont été efficaces !