"Nous venons de raconter la mort de Pierre Sourgnes, comme on racontait jadis la mort de la bête du Gévaudan ; c’est que Pierre Sourgnes était comme elle, la terreur des contrées qu’il habitait. On le voyait partout, quand on ne le cherchait pas, et il devenait imprenable quand on se mettait à sa poursuite. Il ne marchait que bien armé, prenant la dîme aux passants, obtenant pas la crainte qu’il inspirait tout ce qu’il demandait. Rien ne lui était étranger ; chaque maison était sa maison, et souvent il y demeurait plusieurs jours dans une sécurité parfaite, il s’y rendait même utile sans exiger aucun salaire, lorsqu’une fois il avait arraché des habitants, les armes à la main, la promesse de n’être point dénoncé.
Pierre Sourgnes était, dit-on, dans Carcassonne, le jour où on exécutait par effigie son arrêt de mort. Sa force colossale, son agilité surprenante le secondaient admirablement. Si l’on en croit tout ce que l’on dit sur son compte, il était plus cruel que sanguinaire ; et il se bornait quelquefois à faire peur ; il prolongeait les souffrances de sa victime, il se plaisait à la torturer, en la menaçant de la mort au moindre signe de mécontentement ; on eût dit que l’agonie d’un homme était pour lui un bien doux spectacle, et qu’il aimait mieux déchirer une âme par des angoisses mortelles que faire couler le sang. Il ne voulait pas la mort mais la douleur ; il n’avait jamais paru tenir à la mort de sa victime, comme le jour où lui-même est devenu victime de son audace. Croira-t-on que l’acte de courage auquel tout le pays doit son repos, n’ait pas pour lui toutes les sympathies ?"