Patrimoine, Archives départementales

Les chartes de franchise

Charte de franchise
AD 11 4 E 138/S10 Charte de franchise de Fendeille © Archives départementales de l'Aude

Les chartes de franchise regroupent les privilèges dont bénéficient les communautés d’habitants à partir de l’époque médiévale. Découvrons ensemble deux exemples audois.

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Chaque communauté possède une charte différente, mais quelques points communs sont toutefois aisément identifiables. Premièrement, il s’agit de reconnaître à la communauté une personnalité juridique et la mise en place d’un consulat. Ensuite, les chartes explicitent les prérogatives des consuls en matière de sécurité (organisation du guet), de commerce (foires, marchés, taxes, poids et mesures), de règlementation des métiers, de voirie, des ponts, des remparts, d’hygiène, d’assistance et de santé.

Mise en place des consulats 


Dans le Midi de la France, les communautés urbaines s’organisent très tôt en consulats : Carcassonne en 1192, Pexiora en 1194, Fanjeaux en 1242, Saint-Papoul en 1255 ou encore Villefranche-de-Lauragais en 1280. Ce mouvement d’émancipation touche aussi les communautés villageoises, qui s’affirment et obtiennent de leurs seigneurs des chartes de franchises leur apportant plus de libertés et de responsabilités en matière de justice, de défense, de fiscalité… Ce changement est accentué par la création de villes nouvelles ou de bastides, dotées dès leur création de chartes de franchise.
 

Rédaction de chartes de franchise


Les chartes de franchise ont des clauses relatives :
- à la liberté des personnes : les seigneurs, afin d’attirer de nouveaux habitants sur leurs domaines, leur promettent la liberté
- à l’organisation économique : au XIIIe siècle, il s’agit de concessions de terres, puis aux XIVe et XVe siècles on voit apparaitre des droits d’usage (prendre du bois, faire paître des troupeaux sur des terres vacantes, chasser, pêcher…) et une règlementation des marchés (exemption de certaines taxes, tarifs des péages…)
- aux droits seigneuriaux : abandon ou diminution des banalités (impôts sur l’utilisation des fours, des forges, des moulins)
- à l’administration de la justice : la justice appartient au pouvoir seigneurial, mais les consuls peuvent la rendre au nom du seigneur ou le seigneur peut laisser l’exercice de la justice aux consuls. Dans tous les cas, on inscrit dans la charte des clauses règlementant le droit civil, le droit pénal, la procédure et les frais de justice.
- à l’organisation des consulats : élection des consuls, rôle des conseillers et des officiers consulaires (bayle, notaire, greffier, garde-champêtre, sergent, trésorier, clavaire…)
- à l’administration municipale : administrateurs de la communauté, les consuls sont aussi chargés de son entretien (murailles, fossés, tours, portes). Ils gèrent également ses biens immeubles (maison communale, marché couvert, clocher, locaux du poids public, hôpital, abri pour les pauvres, parfois une prison ou des moulins) et les impôts municipaux
- à la police : les droits de la police consulaire étaient très étendus (règlementation des métiers, fixation des prix des denrées, surveillance des mœurs, hygiène urbaine, entretien des chemins et des adductions d’eau, contrôle des productions, répression des fraudes…)

Deux exemples de chartes de franchise


Charte de franchise de Fendeille
 

Pierre-Roger et Roger son frère, seigneurs de Fendeille, et les habitants du lieu, fixent les coutumes de la communauté en 1202. Le texte nous est connu grâce à un vidimus (transcription d'un acte antérieur certifié conforme à l'original) sur parchemin scellé de 1466 (document coté 4 E 138/S 10).


Le premier point garantit la sécurité à tous les hommes honnêtes « omnis homo infra illos terminos est securus ». Le second permet la vente des biens de tout meurtrier. Le troisième assure la liberté aux nouveaux habitants : « Omnis qui in villa liber venerit stare, erit liber et sine domino ». Viennent ensuite les taxes sur les ventes d’avoine et de vin et l’annonce de mesures contre les fraudeurs. 
La propreté du village fait aussi partie des points abordés. Aucun habitant de doit abandonner des ordures plus de deux jours, sous peine d’amende « qui projesserit fumum et relinquerit stare ultra duos dies, dabitur justiciam quatuor denarios ». Il est également interdit de jeter des pierres sur une maison sous peine à nouveau d’amende et de devoir réparer les dégâts : « Qui jactaverit petram supra domum, dabitur justiciam quatuor denarios et emandabit maleffactam ». Les vols et méfaits de nuit sont aussi punis « Qui de nocte istam maleffactam fecerit dabit justiciam quinque solidos », de même que les dégâts causés aux jardins et aux animaux. Les condamnés insolvables sont chassés de la communauté.


Charte de franchise de Saint-Papoul
 

Géraud, abbé du monastère de Saint-Papoul, concède certains privilèges à ceux qui habitent et viendront habiter au lieu de Saint-Marcel, jouxtant ledit monastère. L’acte original de 1255 n’est pas conservé. Nous connaissons ce texte grâce à un vidimus du XVe siècle transcrit dans le Cartulaire de l’évêché de Saint-Papoul (document coté G 233).


Premièrement, les habitants de Saint-Marcel seront perpétuellement libres « immunes et liberi perpetuo ». Ensuite, l’abbé et le monastère concèdent aux futurs habitants une maison et un jardin « predicti abbas et conventus concesserunt et donaverunt singulis personis venientibus ad dictam villam causa inhabitandi, domum et ortum », des vignes et des terres labourables « unam sestariatam terre ad malleolum faciendum » et « unam modiatam terre que eam tunc excolere possit et laborare ». L’abbé s’engage également à avoir dans la ville un ou plusieurs forgerons « debent tenere in dicta villa fabrum seu fabros cum instrumentis sibi necessariis ad opus farge ». 
Dans un registre différent, les rues et chemins doivent être entretenus par l’abbé et le couvent « fuit statutum quod abbas et conventus predicti debent servare et custodire vias publicas intus villam et extra ». Sont ensuite évoquées les différentes redevances sur les chevaux, les ânes, les moutons, les porcs mais aussi les moulins, les mariages et les enterrements. La charte stipule également que parmi les consuls il y aura un moine.

Bibliographie


Ramière de Fortanier (Jean), Chartes de franchises du Lauragais, Paris, 1939.
Trésors de nos communes, catalogue de l’Exposition présentée aux Archives départementales de l’Aude, du 29 mars au 15 juin 2012.